Juillet 2007
Nous avons échangé des courriers avec une adhérente de la Liste Naissance qui estime avoir été abusée par l’association « Doulas en Lorraine » après avoir vécu un accouchement à domicile au cours duquel la doula est intervenue au-delà des limites qui avaient été fixées au cours des entretiens.
Note
Le site a été fermé suite à notre intervention. Voici les coordonnées de l’association (Journal Officiel, annonce 617, le 30/09/2006) :
Association : DOULAS EN LORRAINE. Activité(s) : Interventions sociales
No de parution : 20060039
Déclaration à la préfecture de Meurthe-et-Moselle. DOULAS EN LORRAINE. Objet : promouvoir l¹accompagnement des parents et futurs parents durant la périnatalité : en regroupant les doulas de Lorraine afin de faciliter la mise en contact des parents avec une doula dans la région ; en permettant la formation des doulas ; en permettant l¹information des futurs parents et parents. Siège social : 2, boulevard Charlemagne, entrée 3, 54000 Nancy. Courriel : doulasenlorraine(arobase)hotmail.fr. Date de la déclaration : 15 septembre 2006.
Les faits rapportés par la mère
Août 2006, je suis à un mois du terme et nous envisageons un accouchement à domicile (aad) avec une sage femme venue de l’étranger (nous habitons la Lorraine). Nous souhaitons que notre grande fille de trois ans puisse être avec nous pour accueillir notre bébé mais nous pensons qu’il serait souhaitable qu’une personne de confiance puisse s’en occuper (ou pas selon les circonstances).
Je pense alors à une doula habitant à 30 min de chez nous, qui est référencée sur le site doulas.info comme « doula apprentie ». Je la contacte par mail.
Elle me propose ses conditions : accompagnement à la naissance pour un forfait de 400 euros.
Je ne souhaite pas d’accompagnement et la somme me parait exorbitante pour notre demande, je refuse.
Elle revient sur sa proposition et me parle d’un « arrangement » pour sa rémunération.
Nous nous rencontrons. Elle semble très motivée par notre projet d’aad, et essaye de s’investir à nos côtés, mais je ne souhaite aucun accompagnement. Elle me propose des facilités pour l’organisation de la naissance : elle peut me procurer des draps (mais je n’ai rien demandé), et aussi des patches emla (en prévision du Guthrie).
Par la suite nous continuons à échanger des mails. Elle me pose des questions sur l’organisation de cet aad (le premier pour elle) et souhaite que tout aille pour le mieux, mais je suis confiante et sereine, encore dans ma bulle, et je n’ai pas envie de me tracasser.
Elle me propose aussi, par mail, un traitement homéopathique pour faire mûrir mon col.
Je ne le prends pas, je suis confiante, tout va bien pour moi.
Nous nous rencontrons encore une fois, lors de la visite à domicile de la sage-femme (quelques jours avant le terme). La sage femme et la doula font connaissance et sympathisent.
Septembre 2006, cette doula fonde avec une autre amie doula une association de doulas basée sur la ville de Nancy. Son but est de faire connaître cette profession et de permettre aux futurs parents d’accéder facilement aux services des doulas dans notre région.
Un site internet qui présente l’association est aussi créé.
Elle nous demande alors comme rémunération de verser un don à son association et d’écrire un témoignage pour leur site. Pour elle, le don est déductible de moitié des impôts. Je suis très étonnée vu que l’association n’est pas d’utilité publique, mais mes préoccupations sont ailleurs…
Le jour J, alors que je perds les eaux et que le travail se met en place, je préviens notre sage-femme que la naissance est imminente, ainsi que la doula.
Je lui demande de ne pas venir, je veux rester seule avec mon mari et notre fille.
Tout se passe bien et je suis très confiante.
Quelques heures plus tard, mon mari et moi-même ressentons le besoin de nous retrouver et j’appelle la doula pour qu’elle vienne. La sage-femme ne viendra que quelques heures après, comme convenu.
La doula arrive en fin d’après midi, calme et sereine. Tout de suite elle s’occupe de notre fille et joue avec elle. C’est un soulagement pour mon mari et moi-même, nous nous retrouvons tout en restant avec notre fille. La maison est grande, nous pouvons nous isoler ou pas selon les moments.
La doula n’intervient pas et nous laisse…Tout va bien, je suis confiante.
En début de soirée, la sage-femme arrive. La doula reste toujours avec notre fille et s’en occupe.
Le travail se poursuit et la doula couche notre fille au cours de la soirée.
Aussitôt notre fille endormie, elle descend au salon et vient s’installer à mes cotés. Je suis surprise de la voir. Elle me parle, me donne des conseils (position, souffle, grognements).
Pour l’expulsion, je suis couchée à terre, elle me prend la main et m’accompagne dans mon dernier effort.
S’ensuit une période d’euphorie, d’excitation et de soulagement. Mon mari fait quelques photos, la doula me prend en photo, couchée à terre avec son appareil, je suis refroidie par ce geste mais je ne réalise pas vraiment. Je suis tournée vers mon bébé.
Pour la délivrance la sage-femme est inquiète. Selon elle, il faut réaliser un sondage de la vessie.
Je ne veux pas, je refuse. La doula insiste : « Il faut, c’est nécessaire, je vais aider la sage femme ». Je refuse encore, mais rien n’y fait, la sage-femme fait un sondage urinaire et la doula, qui est infirmière de métier, l’assiste dans ce geste.
La sage-femme réalise aussi une injection pour aider l’utérus à se contracter. Là encore, la doula est aux côtés de la sage-femme pour me convaincre et l’assister dans ce geste que je refuse en vain.
Je n’ai plus d’énergie pour me défendre.
La doula nous quitte quelques heures après la naissance, en tout début de nuit. Elle et la sage-femme ont décidé de travailler ensemble pour les aad que la sage-femme compte faire dans la région.
Elle revient le surlendemain pour aller chercher notre fille à l’école. En effet, la sage femme et la doula nous ont fait croire qu’on a besoin d’un papier de la sage-femme pour la déclaration de naissance en mairie. La sage-femme l’a oublié le jour de l’aad et mon mari est contraint de faire 4h de route pour le récupérer à son domicile, nous laissant seuls. La doula vient vers 11h pour récupérer notre fille, la couche pour la sieste et repart. Je suis restée seule avec mon bébé pendant 3h.
Nous échangeons quelques mails, quelques jours à peine après la naissance. Elle prend des nouvelles et demande des photos. Sans vraiment réaliser, fatiguée, encore dans l’émotion de cette naissance, je lui en envoie. Elle veut encore des photos du placenta, je continue de lui en envoyer. Elle fait une interprétation sur cette naissance, en relation avec ma précédente grossesse qui n’a pas été au terme… De la même façon, la prématurité de notre fille l’inspire pour critiquer notre façon d’être avec elle. Je suis blessée par cette psychologie à trois sous qui ne nous apporte rien.
Puis notre bébé doit être hospitalisé une semaine. C’est un choc pour toute la famille.
Par la suite, je ressens le besoin de faire un débriefing de notre aad, je réalise certains événements, j’ai besoin d’en parler. Je la contacte par mail, mais elle n’est plus disponible et me le fait savoir.
Je lui demande de passer à la maison, tant que mon mari est encore en congé (trois semaines), pour parler de cet événement, mais elle me répond qu’elle n’a pas le temps, elle est très occupée.
Elle viendra tout de même un mois après, pendant que mon mari est au travail… On ne fait aucun débriefing. Je lui fais un chèque de 200 euros, don à son association.
Je reçois un courrier de la présidente qui fait acte de cette donation pour déduction des impôts.
Depuis le début de cette grossesse je suis abonnée à une liste de discussion privée sur internet (liste Naissance).
La doula le sait.
Deux mois et demi après la naissance, j’écris le récit de cette merveilleuse rencontre, et le poste sur cette liste.
La présidente de l’association lorraine de doula s’inscrit sur cette liste le 12 janvier 2007.
Elle communique à son amie doula les codes d’accès de la liste, violant ainsi la charte de la liste.
Ainsi notre doula va fouiller dans les archives et tombe « par hasard » sur notre récit (selon ses propres paroles, au téléphone).
Elle décide alors de m’écrire par mail le 22 janvier. Encore un mail blessant où elle tente de se justifier et de revenir sur les échanges qui ont lieu sur la liste de discussion.
Par la suite, j’essaye de la contacter par téléphone.
Elle se montre alors disponible, écoute mes griefs et semble peinée d’avoir pu nous blesser, peinée de n’avoir pas été à la hauteur, pas disponible… Elle dit n’avoir pas d’excuses. La photo qu’elle a prise de moi et mon bébé, était ratée et elle pensait me l’avoir dit.
Je lui demande alors le remboursement de notre don. Elle me répond qu’il faut voir avec la trésorière de l’association.
Par contre, avoir accès à une liste de discussion privée, sans y être autorisée, ne la choque pas. Elle se sert de la liste pour « se former ».
Elle me rappelle peu de temps après : elle a vu la présidente de l’association qui exige une lettre de motivation pour le remboursement. Je l’écris le jour même et la poste le lendemain, 27 mars.
Je rappelle notre doula au mois d’avril pour avoir des nouvelles. La présidente a bien reçu la lettre, et une réponse va m’être faite.
Je finis par recevoir une réponse de la présidente le 22 juin, après plusieurs relances du fondateur de la liste. La présidente n’y évoque même pas la faute qu’elle a commise en donnant accès aux archives de la liste et répond par la négative. Aucune considération pour notre famille, j’ai l’impression que l’association continue de se moquer de nous.
Personnellement je suis choquée d’autant de légèreté, d’amateurisme et de non respect des personnes, de la part d’une association de « professionnels » censée apporter soutien et aide aux familles pour la venue de leur bébé.
Réponse de la présidente de l’association
Interprétation juridique
Quelques observations d’ordre fiscal
- L’association « Doulas en Lorraine » a pour objet de faire connaître la profession de Doula et de permettre aux futurs parents d’accéder facilement aux services des Doulas. L’association a également pour but de rassembler les doulas de la région Lorraine afin de faciliter leur formation, le partage des informations et expériences. Elle est donc constituée de membres “professionnels” doulas et de parents etc.
- L’association “Doulas en Lorraine” n’est pas militante, sa vocation est pour le moment de faciliter l’accession aux services des doulas de la région. Elle propose donc essentiellement des prestations de services assurées par des salariés, vacataires (??) de l’association. (cf. Tous les fonds récoltés sont utilisés pour l’achat de matériel, payer les formations des Doulas et dédommager les Doulas pour leurs services.)
- Le chiffre d’affaires de “Doulas en Lorraine” est constitué en grande partie par des versements alloués par les parents membres de l’association au titre des prestations reçues.
- L’association “Doulas en lorraine” exerce donc son activité au profit de certains de ses membres “professionnels” que sont les doulas dans l’intérêt de leur exercice professionnel (meilleures conditions d’accès à la clientèle, conditions de formation). Elle présente donc un caractère lucratif, même si elle ne recherche pas de profit pour elle-même. À ce titre, elle pourrait très bien être imposable aux impôts commerciaux (taxe professionnelle, IS etc.) et les prestations de services devraient être soumises à TVA.
- Pour ce qui est de la déduction fiscale, elle n’est pas possible en l’espèce, et il est à noter que Les associations qui délivrent à tort des reçus fiscaux à leurs donateurs peuvent être condamnées à payer une amende égale à 25 % des sommes perçues (CGI, art. 1768 quater ; BOI 13 N‑2–98).
D¹un point de vue civiliste…
La somme versée ne peut être qualifiée de don.
Précisons tout d’abord qu’il aurait tout à fait été possible, sans parler de don, de fixer une cotisation de l’ordre de 250 euros donnant accès à toutes les activités proposées par l’association. Ce n’est toutefois pas le cas en l’espèce puisque la cotisation est expressément identifiée et distincte, correspondant à 10 euros.
La qualification de don implique une intention libérale totalement absente en l’espèce, puisque les parents paient cette somme pour avoir la prestation. La somme versée est donc nécessairement le prix d’un contrat de prestation de service (entre l’association et le couple), de sorte que la qualification de don expressément retenue par l’association est sans effet.
Dans ce cas, l’inexécution du contrat engage la responsabilité de l’association (et pas la doula) conduisant à un remboursement total ou partiel en fonction, soit d’une inexécution totale ou d’une mauvaise exécution.
Autres remarques
Au-delà du non-respect de l’autonomie et du libre consentement de la patiente, tel qu’il apparaît dans ce témoignage, on peut se demander si l’exécution d’actes médicaux — en dehors de toute situation d’urgence — par une infirmière engagée pour un service non-médical ne relève pas de la pratique illégale de la médecine (article L 378 du CSP).
Bernard Bel
Secrétaire de l’AFAR
Message envoyé par l’AFAR le 26/08/2007 (copie par courrier postal)
Date : 26/08/2007
To: “caroline.perrin@…”
From: Bernard Bel
Subject: dysfonctionnement (suite)Bonjour,
Nous constatons que, trois mois après avoir reçu de Mme E. une demande de remboursement de la somme versée à votre association, vous persistez à n’y donner aucune suite. Or nous avons montré que votre argumentaire sur le non-remboursement d’un “don” ne tenait pas la route sur le plan juridique. La qualification de don expressément retenue par votre association est sans effet puisque les parents ont payé cette somme en échange d’une prestation de service. Maintenir cette position (et prétendre en outre que ces dons sont déductibles des impôts) vous expose à de sérieuses difficultés d’ordre fiscal. Il ne sert à rien de fermer votre site web, comme vous venez de le faire, dans la mesure où vos pratiques ont été exposées publiquement, conformément à ce qui était annoncé dans le message précédent en date du 15 juin (copie ci-dessous) :
https://afar.info/courrier/doleances/doulas-lorraine/
La prochaine étape consistera pour nous à médiatiser un peu plus cette regrettable affaire, quitte à engager aux côtés des parents, s’ils le souhaitent, une procédure judiciaire, ou plus simplement intervenir auprès de l’administration fiscale pour mettre fin à ces agissements délétères. Je vous invite donc à m’adresser au plus vite — au plus tard le 15 septembre — la preuve que vous avez satisfait la demande de Mme E.
Bernard Bel
Secrétaire de l’AFAR
Clôture du dossier
Le 18 septembre 2007, Mme E. nous a informés qu’elle avait bien reçu par virement bancaire le remboursement de son versement à Doulas en Lorraine, ainsi qu’une lettre de la présidente (voir copie format JPEG). S’il est vrai que la demande de remboursement a été agréée (grâce à la pression exercée), la présidente ne va pas plus loin que montrer [sa] bonne volonté et [son] empathie vis à vis de la déception dont [Mme E.] lui a fait part. Pas un mot sur l’utilisation abusive d’une liste de discussion, le non-respect de la vie privé, l’interventionnisme médical de la doula ni le manque d’empathie en général dont Mme E. a fait l’objet au cours de la prestation.