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Extraits de Ocy­tocine : l’hormone de l’amour, par Prof. Ker­stin UVNÄS MOBERG. Le Souf­fle d’Or, 2005. 

L’équilibre essentiel

Pages 43–51

Ce livre décrit un mécan­isme phys­i­ologique qui ressem­ble, d’une part, à la réac­tion lutte-ou-fuite, et d’autre part à la réac­tion con­traire. Il opère, non pour nous mobilis­er pour la défense, mais pour nous ralen­tir, afin de pro­mou­voir la crois­sance et la récupéra­tion. La réponse d’activation est facile à recon­naître, mais l’autre réponse se décou­vre de la même façon qu’une pho­to serait tirée à par­tir de son négatif. Lorsque le blanc devient noir et le noir devient blanc, ce qui était aupar­a­vant invis­i­ble, se révèle. C’est ain­si pour le sys­tème calme-et-con­tact. Tout le monde l’appréhende intu­itive­ment, mais peu savent le regarder comme une chose en soi, le revers du sys­tème lutte-ou-fuite. 

Lutte ou fuite

Grâce à un sys­tème ingénieux de sig­nal­i­sa­tion, le corps humain (et ani­mal) est con­stru­it pour vivre en inter­ac­tion avec son envi­ron­nement pour fournir, à chaque instant et en chaque sit­u­a­tion, la réponse opti­male de survie indi­vidu­elle, et donc de sauve­g­arde de l’espèce. Le stress, qu’il soit physique ou psy­chologique, incite le corps à mobilis­er toute son énergie disponible pour faire face à un défi, en atten­dant que le prob­lème s’arrange et qu’il puisse se relâch­er. Nous réagis­sons aux sit­u­a­tions dif­fi­ciles essen­tielle­ment de la même manière que les pre­miers hommes. Notre sys­tème phys­i­ologique rassem­ble toute son intel­li­gence innée face à l’enjeu de la survie. Il y a deux façons d’agir nous nous défendons active­ment con­tre ce qui con­stitue une men­ace ou nous prenons la fuite. (Il arrive, en cer­taines cir­con­stances, que nous ayons recours à une réponse de pas­siv­ité, une ver­sion humaine de la réac­tion de l’animal qui « fait le mort ».)

Pensez à la dernière fois où vous étiez réelle­ment en colère ou apeuré. Rap­pelez-vous comme votre cour se met­tait à bat­tre plus fort et plus vite. Le stress provoque l’augmentation de la fréquence et l’intensité des bat­te­ments du cour et la cir­cu­la­tion apporte un flux accru de sang aux mus­cles. En plus, votre foie libère de l’énergie sous forme de glu­cose, un sup­plé­ment de car­bu­rant pour ces mêmes mus­cles. Il serait juste de dire que vous devenez plus fort lorsque votre corps se pré­pare à fonc­tion­ner à sa capac­ité maximale.

Cette mobil­i­sa­tion n’est pas la seule réac­tion physique qui aug­mente votre poten­tiel de per­for­mance. Vos poumons se dila­tent et vous respirez plus rapi­de­ment ; le corps aug­mente sa ven­ti­la­tion et élève le taux d’oxygène dans le sang. Les pupilles se dila­tent pour élargir votre champ visuel et per­me­t­tent ain­si une meilleure iden­ti­fi­ca­tion d’un dan­ger éventuel.

Quelqu’un vous voy­ant en cet état noterait, peut-être, un change­ment de la couleur de votre peau. À cause d’un afflux ou d’un reflux de la cir­cu­la­tion san­guine cutanée, vous devenez rouge de colère ou blanc de peur, selon la sit­u­a­tion. Au niveau invis­i­ble, la cir­cu­la­tion san­guine de l’estomac et des intestins s’altère égale­ment et tout le sys­tème diges­tif en est affec­té. La réduc­tion de l’apport du sang et donc de l’activité de cer­taines par­ties du corps est une des façons pour le corps, dans son infinie sagesse, de faire des économies d’énergie et de l’utiliser là où il en aurait le plus grand besoin. Ce n’est pas impor­tant de digér­er les ali­ments et de stock­er les nutri­ments quand il s’agit de la survie.

Dans des sit­u­a­tions de défense ou de stress et donc de l’activation du ver­sant sym­pa­thique du sys­tème nerveux autonome (qui régule les fonc­tions cor­porelles involon­taires), l’activité car­diaque est aug­men­tée pour élever le débit de sang aux mus­cles con­cernés par le mou­ve­ment. Ain­si, les con­di­tions exigées par l’effort sont améliorées ; la noradré­naline y joue un rôle impor­tant. Les sur­ré­nales s’activent et sécrè­tent davan­tage d’adrénaline et de cor­ti­sol (les hor­mones du stress) dans le sang. (La deux­ième par­tie explique plus en détail le fonc­tion­nement du sys­tème nerveux cen­tral en amont de ces réactions.) 

Calme et contact

Nous savons tous comme le stress, la peur ou la colère nous affectent physique­ment et nous savons égale­ment ce qui se passe dans le cas con­traire. Imag­inez que vous venez de pren­dre un bon repas ; vous vous lais­sez aller sur votre chaise et pour­riez même vous sen­tir enclin à vous allonger sur le canapé pour un petit somme. Il se peut que vous soyez moins con­trar­ié par vos prob­lèmes qu’avant le repas. Les petites douleurs se font moins sen­tir. Vous vous sen­tez en paix et affichez, peut-être, un sourire de con­tente­ment. Vous avez envie de pren­dre du recul pen­dant un temps, ou vous goûtez un sen­ti­ment de rap­proche­ment avec des per­son­nes autour de vous et souhaitez plus d’intimité et de con­tact. C’est un moment où vous n’êtes pas du tout stressé ; vous êtes dans un état de calme et de contact.

La vie nous offre beau­coup d’occasions pour ce genre de plaisir. Lorsque nous prenons un bain de soleil sur la plage, c’est ce mécan­isme qui nous per­met d’en ressen­tir le bon­heur. De la même façon, un bon bain chaud génère un sen­ti­ment de bien-être pais­i­ble. Le mas­sage nous donne une peau toute rose et per­met au corps, et même aux mus­cles du vis­age, de se déten­dre. La médi­ta­tion, sou­vent appelée le chemin du calme intérieur, baisse le niveau de ten­sion. Les femmes qui allait­ent se déten­dent et s’ouvrent au con­tact pro­fond avec l’enfant, à la fois physique et émo­tion­nel ; l’enfant au sein s’apaise.

Tous ces stim­uli agréables déclenchent la libéra­tion, par le cerveau, de l’ocytocine qui joue un rôle clé dans la réponse calme-et-con­tact. Le « berceau » de la recherche sur l’ocytocine fut la décou­verte de son action au moment de l’accouchement et de l’allaitement. Main­tenant, nous savons que cet élé­ment biochim­ique, trou­vé chez les deux sex­es, joue un rôle-clé dans beau­coup d’autres sit­u­a­tions et con­di­tions qui, mal­gré des dif­férences appar­entes, parta­gent un dénom­i­na­teur com­mun : toutes sont car­ac­térisées par la sen­sa­tion de paix, de relax­ation et de contentement.

À l’opposé de la réac­tion lutte-ou-fuite, la réponse calme-et-con­tact se dis­tingue par une baisse de la ten­sion artérielle et du niveau de cor­ti­sol. L’appétit aurait ten­dance à aug­menter, et la diges­tion (surtout l’absorption et le stock­age des nutri­ments dans les dépôts grais­seux du corps) deviendrait plus effi­cace. Il y aurait une aug­men­ta­tion de la cir­cu­la­tion san­guine dans la peau et les muqueuses et une diminu­tion dans les mus­cles. Il est intéres­sant de not­er que beau­coup de ces change­ments s’opèrent immé­di­ate­ment mais peu­vent per­dur­er. Ain­si, les activ­ités qui influ­en­cent le corps de cette manière ont un impact sur la san­té, car le main­tien du niveau opti­mal de la ten­sion artérielle et de l’assimilation des ali­ments est indis­pens­able pour garder la forme. 

L’équilibre nécessaire

Il faut soulign­er le fait que la réac­tion lutte-ou-fuite et la con­di­tion calme-et-con­tact sont, toutes les deux, essen­tielles à la vie. Tout comme les autres ani­maux, nous les êtres humains, avons besoin de lever les défis et mobilis­er toutes nos ressources pour entre­pren­dre l’action req­uise à un moment don­né. De la même façon, il nous faut le con­traire. Le corps a besoin de digér­er nour­ri­t­ure, de rem­plir ses réserves et de se répar­er. Nous avons besoin d’enregistrer des infor­ma­tions, d’exprimer nos sen­ti­ments, de s’ouvrir à notre curiosité et d’entrer en rela­tion avec les autres. Ces fonc­tions nous per­me­t­tent de récupér­er suite à des inci­dents per­tur­ba­teurs ou à des péri­odes plus ou moins éprouvantes.

Nous avons vu plus haut que ces deux états, égale­ment néces­saires, ont ten­dance à s’équilibrer par leur alter­nance. Lors que nous sommes en train de digér­er, nous nous sen­tons rarement agités, en colère ou stressés. Lorsque nous sommes ten­dus, en colère ou pressés, notre diges­tion ralen­tit et nous devenons moins socia­bles. Aucun mécan­isme n’exclut l’autre, mais l’un ou l’autre peut tem­po­raire­ment pren­dre le dessus.

Aujourd’hui cepen­dant, la réac­tion lutte-ou-fuite con­cerne moins l’éloignement du dan­ger que la con­fronta­tion aux deman­des con­tin­ues et exces­sives de notre envi­ron­nement. Lorsque la réac­tion lutte-ou-fuite cesse d’être une mobil­i­sa­tion péri­odique des capac­ités cor­porelles, mais devient un état phys­i­ologique qua­si­ment con­stant, il s’agit d’un stress chronique.

Les prochains chapitres décriront les décou­vertes de la recherche sur l’ocytocine et sur son rôle lors de dif­férentes sit­u­a­tion de calme et de con­tact. Nous ne savons pas encore dans quelle mesure et de quelles façons ces nou­velles con­nais­sances pour­ront nous venir en aide, par exem­ple, pour nous pro­téger con­tre les effets négat­ifs du stress.


L’ocytocine et le toucher

Pages 138–141

La peau chez les humains et les ani­maux véhicule con­stam­ment des infor­ma­tions du monde extérieur au sys­tème nerveux et con­stitue l’organe de sens le plus grand. Elle enreg­istre la chaleur, le froid, le touch­er et la douleur. Cha­cune de ces sen­sa­tions est recueil­lie par les récep­teurs appro­priés et mise en con­nex­ion avec le sys­tème nerveux sen­si­tif, qui con­duit les impul­sions au sys­tème cen­tral (voir chapitre 4). Grâce à cette « inter­face », nous pou­vons inter­préter des mes­sages du monde envi­ron­nant, qu’ils soient menaçants ou agréables. Nous pou­vons facile­ment dis­tinguer le coup bru­tal de la caresse affectueuse. Nous tran­spirons ou man­i­fe­stons la chair de poule scion l’interprétation des sig­naux envoyés au sys­tème nerveux central. 

L’effet double du toucher

La peau pos­sède dif­férents types de récep­teurs ; cer­tains enreg­istrent la douleur, d’autres la chaleur ou le froid et d’autres encore un touch­er léger. Lorsque les récep­teurs de douleur réagis­sent à un touch­er lourd, un coup, ou une chaleur exces­sive, un nerf activé envoie le mes­sage au cerveau, et d’autres réac­tions sont déclenchées en con­séquence : instinc­tive­ment, nous écar­tons la source de la douleur, ou nous en dérobons en reti­rant la main ou en sur­sautant. Dans ce cas, la douleur est suiv­ie par la réac­tion réflexe lutte-ou-fuite.

La recherche récente mon­tre que le touch­er peut activ­er un ensem­ble de répons­es, totale­ment dif­férentes de cette réac­tion famil­ière de lutte-ou-fuite, qui a été étudiée de façon exhaus­tive. Un touch­er agréable et une bonne chaleur activent la réponse calme-et-con­tact et appor­tent une sen­sa­tion de bien-être. Ces effets ne sont pas aus­si immé­di­ats que ceux du sys­tème com­plé­men­taire, mais ils sont sou­vent plus durables.

Lorsque les nerfs répon­dant à la douleur et au touch­er sont stim­ulés sur des rats sous anesthésie, il y a aug­men­ta­tion de l’activité du sys­tème nerveux orthosym­pa­thique, suiv­ie d’une hausse de la ten­sion artérielle et du rythme car­diaque. Le taux des hor­mones du stress (noradré­naline, adré­naline et cor­ti­sol) aug­mente de pair. Par con­tre, lors de la stim­u­la­tion des nerfs con­cernés par le touch­er doux et la chaleur, il y a diminu­tion de la ten­sion artérielle, du rythme car­diaque et du niveau des hor­mones de stress. En même temps, il y a aug­men­ta­tion du niveau de plusieurs hor­mones diges­tives (comme l’insuline), con­trôlées par le sys­tème parasym­pa­thique, aus­si bien que du niveau de l’ocytocine.

Sous séda­tion pro­fonde, les ani­maux étudiés n’étaient pas con­scients de sen­sa­tions agréables ou désagréables, donc il n’y avait pas de mou­ve­ments à con­stater. Lors de l’application d’un stim­u­lus douloureux appliqué aux rats à l’état de veille, ils don­naient un coup de pat­te, essayaient de s’enfuir ou même se figeaient sur place. Caressés sur le ven­tre avec une cer­taine pres­sion et à une cer­taine fréquence, ils deve­naient moins sen­si­bles à la douleur et moins peureux. La vitesse de quar­ante pas­sages à la minute, pen­dant un peu moins de cinq min­utes, était la plus effi­cace. Les rats deve­naient plus calmes et moins act­ifs, tout en étant plus curieux et en s’intéressant plus les uns aux autres. Leur ten­sion artérielle dimin­u­ait et restait basse pen­dant plusieurs heures.

Ces expéri­ences mon­traient comme la stim­u­la­tion de cer­tains nerfs sen­si­tifs pou­vait provo­quer ou la réac­tion lutte-ou-fuite ou la réponse calme-et-con­tact, prou­vant que ces deux sys­tèmes peu­vent être mobil­isés par des récep­teurs cutanés dans presque toutes les par­ties du corps. Ces dif­férentes sortes de stim­u­lus peu­vent pro­duire des effets phys­i­ologiques et com­porte­men­taux dif­férents. Comme nous le ver­rons, ces effets ont des appli­ca­tions pos­si­bles dans des thérapies médi­cales et psychologiques. 

L’ocytocine en tant que clé

Nous avons vu que les femmes et les mam­mifères qui allait­ent devi­en­nent plus calmes et moins stressés ; la recherche sur les récep­teurs cutanés mon­tre qu’une autre forme de stim­u­la­tion cause le même effet. Le touch­er peut, dans cer­taine con­di­tions, sus­citer des réac­tions sim­i­laires chez les deux sex­es. Les piqûres d’ocytocine chez des ani­maux pro­duisent cet effet et lais­sent sup­pos­er que c’est la libéra­tion de l’ocytocine par le touch­er qui active le sys­tème calme-et-con­tact, com­prenant les change­ments com­porte­men­taux et phys­i­ologiques déjà détail­lés. Dif­férentes sortes de touch­er influ­en­cent le sys­tème de l’ocytocine de la même façon que l’administration de l’ocytocine elle-même. Il y a la con­fir­ma­tion du lien entre le touch­er et l’ocytocine car l’administration d’un antag­o­niste de l’ocytocine empêche la plus grande tolérance à la douleur nor­male­ment man­i­festée sous ocytocine.

Un éleveur de vach­es laitières en Alle­magne, ayant conçu une brosse (comme pour laver les voitures) pour caress­er ses vach­es, illus­tre bien l’effet du touch­er. Les ani­maux deve­naient plus déten­dus, sem­blaient en meilleure san­té et pro­dui­saient 26 % de lait en plus.

Il est intéres­sant de not­er que lors des expéri­ences sur des rats, il est plus facile d’induire l’effet calme-et-con­tact (par exem­ple, une baisse de la ten­sion artérielle) en cares­sant le ven­tre plutôt que le dos.Il se peut que le dos soit davan­tage lié aux mécan­ismes de défense, puisque l’absence de vue ne per­met pas (l’évaluer facile­ment le dan­ger de ce qui se passe « der­rière son dos ». En plus, les nerfs en con­nex­ion avec l’allaitement par­tent directe­ment du ven­tre jusqu’au sys­tème nerveux cen­tral par le nerf vague. Ces nerfs n’empruntent pas la moelle épinière, mais passent d’emblée au cerveau ; ceci expli­querait l’efficacité supérieure des caress­es sur le ven­tre. Pour­tant, lorsque j’aborderai le sujet du mas­sage, j’expliquerai com­ment les mas­sages du dos pro­curent l’envoi de mes­sages extrême­ment cal­mants au sys­tème nerveux. 

Le toucher et la croissance

Le touch­er réguli­er et agréable non seule­ment induit un état de calme mais aus­si favorise la crois­sance. Des bébés ratons, séparés de leur mère, poussent moins bien que ceux qui con­tin­u­ent à recevoir les soins d’elles. En revanche, lorsqu’ils sont brossés douce­ment, il y a une amélio­ra­tion de leur crois­sance ; même les adultes dont la crois­sance a été retardée par une réac­tion au stress peu­vent rat­trap­er le ter­rain per­du avec un traite­ment similaire.

Le touch­er est bon pour la crois­sance et la san­té humaines. Pen­dant des décen­nies, les études sur les enfants en insti­tu­tion ont mon­tré que la nour­ri­t­ure ne suf­fit pas à assur­er une crois­sance saine. Sans con­tact cor­porel, les proces­sus de diges­tion sont per­tur­bés et les enfants maigris­sent, mal­gré une ali­men­ta­tion adéquate. Cette « impos­si­bil­ité à prospér­er » peut met­tre la vie en danger.

Une expli­ca­tion du lien entre le con­tact et la crois­sance serait l’augmentation de la pro­duc­tion de l’hormone de crois­sance dans l’hypophyse (lobe antérieur), proces­sus affec­té par l’ocytocine qui favorise égale­ment le stock­age de nutri­ments, matière pre­mière de toute croissance.

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