Le protoregard, élément essentiel dans le déclenchement de la parentalité et de la naissance psychique du bébé

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Inter­ven­tion le 18 mai à Paris (voir pro­gramme)

Le proto-regard

Extrait de « Psy­ch­analyse de la nais­sance » (Jean-Marie Delas­sus). Paris : Dun­od, 2005, p. 117

Les pre­miers cris mar­quent la fin de l’accouchement et expri­ment l’éprouvé douloureux de la dif­férence natale. Le pre­mier regard — après un court moment de silence — indique le début effec­tif mais encore pas­sif de la nais­sance psychique.

Ces don­nées sont encore mal dis­tin­guées et l’habitude d’attendre le cri comme signe de nais­sance et de vital­ité a empêché que l’on se rende compte de la réal­ité et de l’importance de ce qu’il faut appel­er le pro­to-regard, terme qui con­viendrait pour le dis­tinguer des levers des yeux ultérieurs et lui attribuer un sens et une fonc­tion spécifiques.

Antécé­dents du regard

Quand l’enfant vient au monde, il est depuis longtemps un habitué du regard. C’est un très ancien regard qui cor­re­spond au développe­ment de la vision intérieure. Nais­sant au-dedans, ayant une nativ­ité antérieure, le fœtus s’est mis peu à peu à voir, et d’emblée il s’est ouvert à l’invisible. Invis­i­ble pour nous, vis­i­ble pour lui sous la forme d’aucune forme, mais qui était la total­ité elle-même. Le regard a com­mencé avec la per­cep­tion de la total­ité, dans la lumineuse obscu­rité prénatale.

Si le nou­veau-né ouvre main­tenant les yeux, c’est parce qu’il s’attend à voir encore et à voir la même chose, à retrou­ver la per­ma­nence de la vision intérieure. Mais elle vient d’être per­tur­bée, si ce n’est bru­tale­ment inter­rompue. Il s’est pro­duit comme une panne de vision au moment de l’entrée dans le monde. Ouvrir les yeux, à ce moment-là, n’est pas percevoir ce qu’il y a devant ou autour de soi, mais seule­ment réa­gir au fait que la lumière et l’horizon de la total­ité ne sont plus vis­i­bles. Le nou­veau-né est d’ailleurs ébloui par la lumière extérieure qui n’est plus sa lumière, la lumi­nosité inhérente à l’étendue intérieure.

Aupar­a­vant, l’extérieur et l’intérieur ne fai­saient qu’un ; tout d’un coup, ils se dif­féren­cient. La nais­sance, au sens courant du terme, débute à ce moment-là, quand l’œil, par un début de retourne­ment natal qu’il subit, est poussé à chercher hors de soi ce qu’il trou­vait en lui.

Par la suite, beau­coup de choses vont se pro­duire au niveau du regard qui évolue en regard d’objet, sans per­dre toute­fois sa capac­ité à revenir par­fois abrupte­ment à un état de vision. Pour le moment, à l’instant de la nais­sance physique, bien longtemps après la nativ­ité, l’œil ne s’ouvre que dans la stupé­fac­tion provo­quée par la sus­pen­sion de sa vision intérieure dont il attend la reprise immé­di­ate. C’est le moment inau­gur­al du proto-regard.


Extraits de débats à l’Assemblée nationale — Mission d’information sur la famille et les droits des enfants

Table ronde ouverte à la presse sur la préven­tion et la détec­tion de l’enfance en dan­ger, séance du 4 mai 2005 (voir source)

Jean-Marie Delas­sus : Les prob­lèmes évo­qués pren­nent à la gorge, si bien que l’on risque de voir émerg­er le « syn­drome du delta » et, avec lui, la demande de mul­ti­pli­ca­tion de moyens, lesquels ne résoudront pas tout, tant s’en faut, étant don­né l’évolution des mœurs et de la parental­ité. Celle-ci n’est pas un lien inné ; c’est un affect qui ne s’impose pas d’emblée à tous, mais qui, lorsqu’il est ressen­ti, garan­tit que les enfants seront aimés par leurs par­ents. La mal­trai­tance étant une mal­adie de la parental­ité, il faut agir pour que s’instaure une parental­ité humaine et val­able. Cela sup­pose d’accorder toute son impor­tance au pro­to-regard du nou­veau-né, ce regard par­ti­c­uli­er, d’une très grande force, qui passe en général inaperçu parce qu’il peut être très vite empêché par une « mise en peau à peau » immé­di­ate ou par une prise en charge néona­tale. Ce regard, qui doit être dis­tin­gué du « lever des yeux » ultérieur, est d’une telle inten­sité qu’il boule­verse pro­fondé­ment celle ou celui qui le reçoit ; ignoré, voire incon­nu de la clin­ique obstétri­cale, il a pour­tant un effet « parental­isant ». Le per­son­nel des mater­nités doit être for­mé à l’importance du pro­to-regard, et laiss­er le temps néces­saire à l’établissement de ce lien « yeux à yeux », car l’expérience mon­tre que, pour une bonne part, les mères en dif­fi­culté n’ont pas vécu ce moment et se sen­tent dépos­sédées d’un moment cru­cial de la naissance. […]

Table ronde ouverte à la presse sur l’accès de l’enfant à ses orig­ines per­son­nelles, séance du 16 novem­bre 2005 (voir source)

Pierre Verdier : […] comme l’a bien mon­tré le doc­teur Delas­sus, le sen­ti­ment mater­nel se con­stru­it, il ne se pré­sume pas, et la néga­tion de la mère dans l’accouchement sous X empêche cette construction.


Autres sources

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