Le taux des accouchements déclenchés artificiellement a doublé entre 1981 et 2003. Il atteint actuellement 20 %, soit 160 000 naissances par an. La grande majorité de ces déclenchements n’est pas justifiée par une pathologie dangereuse pour la mère ou l’enfant. Parmi les drogues utilisées pour forcer les corps à accoucher-naître, un nouveau venu, le misoprostol, a le vent en poupe. Le misoprostol est une prostaglandine synthétique de type E1. Elle est utilisée en France pour les IVG, les IMG et le déclenchement des accouchements à terme, que le col soit favorable ou non. Elle est plus connue sous le nom de Cytotec™, un médicament destiné à traiter les ulcères.
Le misoprostol n’a pas d’autorisation de mise sur le marché pour les IMG, ni pour le déclenchement à terme. Bref, l’utilisation du mispoprostol en obstétrique est illégale. Et pourtant… Au moins 16% des praticiens français l’utilisent. Un débat pour ou contre son utilisation vient même de paraître dans le journal Gynécologie Obstétrique & Fertilité (2006, numéro 34, p.154–165) dans lequel on apprend que le CHU de Strasbourg fabrique ses propres gélules à partir de cytotec. La France est un état de droit, mais les usagers sont des cons, et les médecins sont au-dessus des lois, bien entendu.
Depuis 1995, quelques dizaines d’articles de revue sur le déclenchement de l’accouchement avec du misoprostol ont paru, synthèses de plus de 200 essais cliniques internationaux divers et variés. Les usagers qui supposeraient que les premiers essais ont d’abord été réalisés sur des animaux, et que des principes de précaution rigoureux quant aux dosages ont été appliqués, seraient d’une naïveté désarmante. Les premiers essais ont été réalisés sur des cobayes humains, avec… les comprimés de cytotec commercialisés, tout bêtement, soit au moins quatre à huit fois la dose considérée comme peu dangereuse à l’heure actuelle, dose la plus faible utilisée dans tous les essais ! Le plus grand danger du cytotec est l’hyperstimulation utérine — grande souffrance pour la mère et l’enfant. Certains ont même tenté le cytotec sur des femmes ayant un utérus cicatriciel … dont le principal résultat est la publication de rapports de ruptures utérines.
Tout ce gâchis pour quoi ? Pour rien. Le misoprostol est une drogue efficace, certes, mais pas plus que ce qui existe actuellement si utilisée à des doses raisonnables, et surtout, potentiellement plus dangereuse. Ce n’est pas d’une autre drogue dont les familles ont besoin, mais qu’on les laisse accoucher-naître en paix, en temps et en heure, quand les corps et les esprits sont prêts, sans déclencher à tour de bras.
Un cheval emballé à tête de taupe poursuit sa course aveugle en fouettant l’air de sa queue de dragon. La chimère du misoprostol abritait un fantasme, la promesse d’un monde meilleur, dans lequel tous les accouchements seraient programmés et dureraient au maximum 8 heures top chrono. C’est à nous, parents, de rendre sa tête et sa queue à ce cheval fou. C’est à nous de dire « non » à ceux des obstétriciens qui ont perdu le sens de la vie.
Cécile Loup
—> Bibliographie sur le misoprostol