L’épisiotomie en réalité…

Sur les sites grand pub­lic con­sacrés à l’ac­couche­ment, on trou­ve typ­ique­ment ce type de discours :

L’épi­siotomie est pra­tiquée pour éviter une déchirure du périnée jusqu’à l’anus. C’est un moin­dre mal, une coupure nette étant plus facile à répar­er qu’une déchirure spon­tanée. Elle per­met de préserv­er le tonus du périnée et de garder une vie sex­uelle épanouie. Donc n’en ayez pas peur !
L’épi­siotomie est qua­si-indo­lore. La suture se fait sous anesthésie locale. Les pre­miers jours la cica­trice peut être douleureuse mais au bout d’une semaine tout va bien.
Sur les forums de ces mêmes sites, on trou­ve aus­si pour­tant des témoignages sou­vent timides (puisque bébé va bien n’est-ce pas…) mon­trant autre chose. En privé, nous enten­dons par­fois des témoignages réelle­ment pénibles : douleur et dys­pare­unie pen­dant des mois, cica­trice asymétrique ou non lisse, suture faite sans aucune anesthésie, suture “trop ser­rée” ayant rétré­ci l’en­trée du vagin, mau­vaise inci­sion ayant coupé ce qu’elle n’au­rait pas du.

Nous vous présen­tons une autre vision que celles des sites grand pub­lic, beau­coup moins anodine, et surtout beau­coup plus réal­iste, de ce geste pra­tiqué au moins une fois sur env­i­ron 60% des mères français­es. Cette présen­ta­tion est basée sur les résul­tats d’é­tudes sci­en­tifiques, ce que l’on appelle médecine factuelle ou basée sur des preuves. Nous ne faisons que résumer ce qui est pub­lié dans la lit­téra­ture médi­cale, références à l’appui.

Episiotomie : témoigner, informer, dénoncer, agir…

L’épi­siotomie est l’in­ci­sion volon­taire du périnée de la femme en train d’ac­couch­er, entre­prenant la peau, la muqueuse et une par­tie des mus­cles qui entourent la vul­ve et le vagin de la femme. Il s’ag­it d’un acte chirur­gi­cal pou­vant être posé par les médecins et les sages-femmes lors d’un accouche­ment. L’épi­siotomie néces­site une suture impor­tante. L’épi­siotomie et sa suture peu­vent entraîn­er des douleurs locales et des incon­vénients de con­fort durant plusieurs jours. Pra­tiquée dans de mau­vais­es con­di­tions ou par des per­son­nes moins com­pé­tentes, cette suture peut “lâch­er” lais­sant une plaie impor­tante béante. La plaie peut aus­si s’in­fecter, soit parce que la vul­ve était por­teuse de ger­mes qui sont alors entrés dans la plaie, soit parce qu’elle a été infec­tée par des ger­mes de l’hôpi­tal lors des soins (infec­tions noso­co­mi­ales). Lorsqu’il y a un “lâchage” de suture et une infec­tion locale, les soins sont impor­tants, et peu­vent com­pren­dre, par la suite, une “reprise” chirur­gi­cale “esthé­tique”.

Les raisons invo­quées pour jus­ti­fi­er l’épi­siotomie sont en pre­mier lieu l’ac­céléra­tion de l’ex­pul­sion foetale et l’u­til­i­sa­tion d’in­stru­ments tels que la ven­touse ou les for­ceps. En sec­ond lieu, l’ar­gu­ment est d’éviter une déchirure, sup­posée poten­tielle­ment plus impor­tante que la coupure volon­taire. L’épi­siotomie est présen­tée autant dans la grande presse médi­cale que pop­u­laire comme un acte néces­saire alors que de nom­breuses études sci­en­tifiques démon­trent le con­traire. Ces études ne sont pra­tique­ment jamais men­tion­nées lors des séances d’in­for­ma­tion pré­na­tale. La femme et son com­pagnon ne sont pas infor­més de cet acte avant son exé­cu­tion, par crainte d’une réac­tion de peur ou de refus spon­tanée. Ce n’est qu’une fois réal­isé qu’il est, éventuelle­ment, expliqué, met­tant sou­vent en avant la san­té voire la survie de l’enfant.

En France, selon l’en­quête nationale péri­na­tale de 1998 (acces­si­ble sur le site ), le taux d’épi­siotomies était de 71,3% pour les prim­i­pares et de 36,2% pour les mul­ti­pares (donc en moyenne 53,7% c’est à dire plus d’une femme sur deux). Dans cer­taines mater­nités, le taux d’épi­siotomies atteint 90% ! Dans ces pro­por­tions, il sem­ble évi­dent que cet acte n’est pas posé pour des raisons pré­cis­es con­cer­nant la femme qui enfante, mais doit être con­sid­éré comme un geste sys­té­ma­tique dénué de toute réflex­ion et de remise en ques­tion. Au Roy­aume Uni, le taux d’épi­siotomie a chuté de 52% à 13% après les cam­pagnes menées par des asso­ci­a­tions d’usagères des ser­vices obstétri­caux comme l’AIMS … En Suède il n’est que de 6%. Il tombe à une valeur insignifi­ante dans la pra­tique d’ac­com­pa­g­nants de nais­sance (médecins ou sages-femmes) infor­més et con­scients de la grav­ité de cet acte et de ses con­séquences. Vous pou­vez con­sul­ter les tableaux com­para­t­ifs des taux d’épi­siotomie dans le monde

L’AFAR (Alliance Fran­coph­o­ne pour l’Ac­couche­ment Respec­té) se situe, ici, comme une asso­ci­a­tion de défense des usagères en dénonçant les abus de l’épi­siotomie et en infor­mant autant les hommes et les femmes que les professionnel(le)s des alter­na­tives pos­si­bles. Nous avons recen­sé près de 70 études prou­vant que l’épi­siotomie de rou­tine n’est pas jus­ti­fiée médi­cale­ment. Les références et résumés de ces arti­cles sont disponibles sur la base de don­nées de l’A­FAR : Un argu­men­taire détail­lé sur l’épi­siotomie se trou­ve sur la page : On y explique notam­ment, preuves à l’ap­pui, que les caus­es des déchirures périnéales que l’épi­siotomie pré­tend éviter sont à rechercher dans les procé­dures obstétri­cales : posi­tion d’ac­couche­ment imposée, poussées dirigées, dopage au Syn­to­ci­non, etc. En par­lant d’épi­siotomie, on peut ain­si remon­ter toute une chaîne d’in­ter­ven­tions abu­sives jus­ti­fiées unique­ment par la crainte du médi­co-légal. Une crainte qui se réduit, en France, à la peur de “ne pas en faire assez”.

A l’in­verse de cette manière de faire, la pra­tique médi­cale factuelle (“evi­dence based”), qui s’ap­puie sur des études sys­té­ma­tiques des con­séquences des gestes obstétri­caux, est la seule qui puisse faire évoluer les pro­to­coles. Encore faut-il que les par­ents s’in­for­ment, se pré­par­ent, con­nais­sent leurs droits, et dia­loguent avec des pro­fes­sion­nels le plus sou­vent coupés du monde de la recherche. (Lire à ce sujet l’ar­ti­cle de Mar­tin Winck­ler, “Médecins sous influ­ences”, dans le Monde Diplo­ma­tique de jan­vi­er 2004 : Voir égale­ment les débats sur son site personnel : )

Dans les Dossiers de l’Ob­stétrique, revue d’in­for­ma­tions médi­cales et pro­fes­sion­nelles de la sage-femme (juin 2001), Fari­da Ham­mani dénonce la pra­tique de l’épi­siotomie comme une “muti­la­tion génitale”.

Pour plus d’in­for­ma­tions sur les Recom­man­da­tions de pra­tique clin­ique (RPC) en cours, con­sul­ter le dossier de CianeWiki : .

Nous invi­tons les femmes qui souf­frent des con­séquences d’une épi­siotomie sys­té­ma­tique et souhait­ent engager une procé­dure pour non-respect du devoir d’in­for­ma­tion et du con­sen­te­ment éclairé (arti­cle L 1111–4 du Code de san­té publique : ) à con­tac­ter notre asso­ci­a­tion, munies d’un dossier médi­cal détail­lé. Si vous souhaitez échang­er avec d’autres per­son­nes sur le sujet de l’épi­siotomie, sans penser à une action juridique, vous pou­vez rejoin­dre la liste [sou­tien-epi­siotomie] : http://fr.groups.yahoo.com/group/soutien-episiotomie/

Vous pou­vez relay­er l’in­for­ma­tion en util­isant les posters, tracts et doc­u­ments pub­liés dans le cadre de la Semaine Mon­di­ale de l’Ac­couche­ment Respec­té (SMAR) du 10 au 16 mai 2004, dont le thèmes était “Epi­siotomie : lever le voile…” : .

“Epidémie d’épi­siotomies en France” est le titre d’un com­mu­niqué de presse par­o­dique que nous avons pub­lié sur le site de l’AFAR :

Pour éviter de subir cet acte inutile, le meilleur moyen est d’en prévoir l’éven­tu­al­ité dans un pro­jet de naissance.

Pour en savoir plus sur les dis­po­si­tions du droit français en matière de nais­sance et de péri­na­tal­ité, nous recom­man­dons la lec­ture des ouvrages : “Les droits des mères”, par Sophie Gamelin-Lavois & Mar­tine Her­zog-Evans, L’Har­mat­tan, 2003.