Le point sur l’épisiotomie en Suisse

Un dossier de la revue Sage-femme suisse — mars 2003

Rédac­tion romande “Sage-femme suisse”

Fabiène GOGNIAT LOOS
Qua­tre-Mar­ronniers 6
CH — 1400 YVERDON-LES-BAINS
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A l’oc­ca­sion de la pre­mière Semaine mon­di­ale pour l’ac­couche­ment respec­té (SMAR 2004), nous avons pen­sé à un parte­nar­i­at avec la revue Sage-femme suisse au vu de la pub­li­ca­tion de mars 2003 sur le thème de l’épi­siotomie (voir la page ci-dessous). Par manque de temps cela n’a pas pu se faire, mais dans le jour­nal de juin 2004 (rubrique actu­al­ité), il y a une demi page d’in­for­ma­tion en référence à la SMAR et au site de l’A­FAR — voir le scan. (Il y a égale­ment des liens sur le site Inter­net, sous “infos pour les mem­bres”). Nous espérons que l’an­née 2005 sera encore plus riche. C’est pourquoi nous tien­drons la revue Sage-femme suisse au courant de nos activ­ités pour avoir un relai efficace.

Nota : la revue de juin con­tient égale­ment un arti­cle sur les posi­tions favor­ables à l’ac­c­couche­ment, ain­si qu’un arti­cle sur le Opti­mal Foetal Posi­tion­ing (un con­cept qui vient des anglo-sax­ons, pour la préven­tion de la posi­tion postérieure des bébés au début du tra­vail). Vous pou­vez jeter un oeil sur une présen­ta­tion suc­cinte de ces arti­cles (en pré-édi­tion) sur le site (pages fédéra­tion SF, puis “infothèque” puis présen­ta­tion de l’édi­tion 6/04)

Vous avez dit ” statistiques ” ? Comme c’est étrange !

Chercher à obtenir des sta­tis­tiques sur l’épi­siotomie en Suisse, cela revient un peu à chercher une aigu­ille dans une botte de foin.

Au niveau suisse tout d’abord : les sta­tis­tiques ont été tenues jusqu’en 1997 par H+, l’as­so­ci­a­tion suisse des hôpi­taux. C’est très oblig­eam­ment que H+ m’en­voie un fax de 12 pages con­tenant toute une série de codes de diag­nos­tic et de codes opéra­tionnels de la sta­tis­tique VESKA. A moi de trou­ver les codes voulus pour avoir des chiffres bruts (nom­bre d’épi­siotomies en Suisse par exem­ple). Mais il me fau­dra ensuite com­par­er moi-même ces chiffres abso­lus avec le nom­bre de nais­sances par voie basse, sans pou­voir tenir compte des nais­sances mul­ti­ples et des pré­maturés, et sans savoir si les épi­siotomies ont été pra­tiquées sur des prim­i­pares ou des mul­ti­pares (ce qui change fon­cière­ment la donne). Et, m’aver­tit-on, tous les hôpi­taux (loin s’en faut) n’ont pas four­nis de chiffres, ce qui fausse naturelle­ment un peu les don­nées. De plus, pour obtenir ces don­nées, il faut faire des recherch­es et H+ compte deman­der Fr. 150.-/heure de recherche pour cela. Je laisse tomber, naturelle­ment : l’en­jeu n’est pas si important !

Je me tourne alors avec espoir vers l’Of­fice fédéral de la sta­tis­tique, qui pos­sède théorique­ment les chiffres dès 1998. Théorique­ment, car en fait seuls les chiffres de 1998 sont disponibles, ceux de 1999 et 2000 sont atten­dus ” prochaine­ment “. Là aus­si, il faut télécharg­er divers doc­u­ments sur Inter­net pour en extraire des codes et avec ces codes, essay­er d’obtenir des chiffres. Les expli­ca­tions don­nées par le respon­s­able des sta­tis­tiques médi­cales à l’OFS est un exem­ple inde­scriptible de con­fu­sion. Evidem­ment, impos­si­ble de télécharg­er un des doc­u­ments excel sur mon ordi­na­teur qui a plus de 2 ans et ne dis­pose apparem­ment pas de la mémoire vive néces­saire (pour­tant j’ai près de 200MB de RAM)… Sur l’autre doc­u­ment, pas trace du moin­dre code sur les taux d’épi­siotomie…. bref, man­quant de temps, je jette l’éponge.

Tant pis pour les sta­tis­tiques suiss­es, je me tourne vers les hôpi­taux de manière indi­vidu­elle. Pas ques­tion de sta­tis­tiques sci­en­tifiques naturelle­ment, mais au moins on aura un échan­til­lon qui nous don­nera peut-être une vague idée de la réalité.

Là aus­si il me faut rapi­de­ment déchanter. La plu­part des hôpi­taux con­tac­tés ne tien­nent pas de sta­tis­tiques ou alors pas sur l’épi­siotomie. D’autres ne veu­lent pas les fournir, sauf sous cou­vert de l’anonymat.

Et les sta­tis­tiques des maisons de nais­sance ? Pas de prob­lème, elles sont disponibles, actu­al­isées et même… sur­prenantes (un taux de 1–2% si l’on ne tient pas compte des trois maisons de nais­sance les plus anci­ennes). Ouf, un peu de soleil au milieu de la grisaille.

Voilà tout de même un état de fait désolant. Sans sta­tis­tiques, com­ment se pos­er les bonnes ques­tions ? Com­ment faire de la recherche? Com­ment vis­er la qual­ité? C’est vrai, tenir des sta­tis­tiques est astreignant, cela demande du temps, de l’en­gage­ment, et on ne voit pas for­cé­ment tou­jours le pourquoi de ce qu’on fait. Pour­tant, sans chiffres, impos­si­ble de savoir où on en est par rap­port aux autres, impos­si­ble de décider où aller, de lancer des recherch­es, de se pos­er les bonnes ques­tions sur l’ef­fi­cience ou la néces­sité de tel ou tel acte médi­cal. Les sta­tis­tiques con­stituent la base de la médecine basée sur les preuves. Ce sont grâce à elles qu’on pour­ra faire chang­er les choses, pour le bien de toute la population.

Il serait vrai­ment temps que les hôpi­taux s’en ren­dent compte.

Fabiène Gog­ni­at Loos

Chiffres suiss­esUn sondage effec­tué prin­ci­pale­ment par la rédac­trice alé­manique de ce jour­nal, Ger­linde Michel, con­stitue qua­si­ment les seuls chiffres dont nous dis­posons (voir p. xx). On con­state d’abord que de nom­breux hôpi­taux ne tien­nent pas de sta­tis­tiques pré­cis­es sur les épi­siotomies. C’est aus­si bien le cas pour de grands hôpi­taux uni­ver­si­taires (Genève, Bâle) que pour des hôpi­taux de moyenne grandeur (Yver­don, Neuchâ­tel) ou des clin­iques privées. Les taux relevés vont d’une fourchette de 6% (hôpi­tal can­ton­al de Frauen­feld) à 46% (hôpi­tal Triem­li à Zurich). De plus, il y a fort à pari­er que nom­bre d’hôpi­taux ne ten­ant pas de sta­tis­tiques sont à class­er dans les taux les plus élevés !

On peut relever que dans un hôpi­tal (Thun- Sim­men­tal), le taux était encore de 56% en 2000 ; les sages-femmes ont pris le tau­reau par les cornes et décidé d’en faire un thème de dis­cus­sion en col­loque. Du coup le taux, l’an­née suiv­ante, bais­sait à 37.5%. Un bel exem­ple du type d’ac­tion que les sages-femmes peu­vent men­er, chez nous aussi !

Forts réjouis­sants par con­tre, sont les taux d’épi­siotomie des maisons de nais­sance (de 0% à 33.3%). Il est intéres­sant de met­tre en cor­re­spon­dance les taux d’épi­siotomie et la présence d’un médecin lors de l’ac­couche­ment. On voit que, de manière générale, plus un médecin est présent, plus le taux d’épi­siotomie a ten­dance à aug­menter. On con­state la même propen­sion si l’on com­pare ces taux avec celui des nais­sances dans l’eau. Là où de nom­breux accouche­ments se font dans l’eau (Del­phys, Ober­burg, Wald, Artemis, Arco avec des taux de nais­sance dans l’eau oscil­lant entre 41 et 67%), les taux d’épi­siotomie sont aus­si les plus bas (de 0% à 3.2%).


Pourquoi l’épisiotomie continue-t-elle d’être aussi répandue?

En dépit des études qui prou­vent son inef­fi­cac­ité, voire sa nociv­ité, l’épi­siotomie con­tin­ue a être large­ment pra­tiquée. Pourquoi voyons-nous de telles pra­tiques per­dur­er, quand, à la veille du 21e siè­cle, l’ob­jec­tif de la médecine est de se baser sur les preuves?

Sue Brai­ley

Mars­den Wag­n­er (1) par­lant des ten­ta­tives de l’OMS de mod­ér­er l’usage exces­sif d’in­ter­ven­tions et de tech­nolo­gie par les obstétriciens, décrit com­ment ces inter­ven­tions ont été accep­tées par la pro­fes­sion médi­cale sans réelles preuves de leur effi­cac­ité ou de leur fia­bil­ité. L’ac­cep­ta­tion par les obstétriciens de l’usage rou­tinier de l’épi­siotomie, du CTG et des ultra-sons en sont de bons exemples.

Savoir pourquoi cette sit­u­a­tion s’est instal­lée est com­plexe. La réponse réside dans l’ex­a­m­en des croy­ances cul­turelles et du statut qui entoure la médecine. Pour com­pren­dre l’usage très répan­du de l’épi­siotomie aujour­d’hui, la procé­dure doit être vue comme faisant par­tie de l’ap­proche médi­co-chirur­gi­cale de la nais­sance. Les taux inac­cept­a­bles d’épi­siotomie reflè­tent en par­tie le mod­èle bio-médi­cal de la san­té qui domine la médecine occi­den­tale. Ce mod­èle est car­ac­térisé par le fait que le corps est vu comme une machine qui peut se cass­er et être séparé en pièces détachées. Dans ce sys­tème médi­cal, l’e­sprit est dis­tinct du corps, les médecins se sen­tant respon­s­ables pri­or­i­taire­ment de la san­té physique et non de la san­té psy­chologique de leur patient. Un haut statut est don­né à la tech­nolo­gie et à la chirurgie, au détri­ment d’in­ter­ven­tions moins tech­niques. La respon­s­abil­ité indi­vidu­elle en matière de san­té abdique face à la con­nais­sance qui fait autorité et que pos­sède la pro­fes­sion médi­cale. De ce fait, les ram­i­fi­ca­tions psy­choso­ciales de l’épi­siotomie ne sont pas recon­nues et la chirurgie, plutôt que le non-inter­ven­tion­nisme tech­nique, comme une com­presse chaude, est con­sid­érée comme néces­saire pour amélior­er un acte phys­i­ologique. C’est dans un tel con­texte cul­turel que les déci­sions médi­cales ne sont pas contestées.

Un mod­èle de san­té patriarcal

Le mod­èle médi­cal de la san­té est en soi patri­ar­cal. La médecine con­tin­ue d’être dom­inée par les hommes, pas seule­ment du fait du nom­bre d’hommes act­ifs dans la pro­fes­sion, mais aus­si de par sa cul­ture et sa philoso­phie. Comme un reflet du statut inférieur de la femme dans la société, le corps de celle-ci tend à être vu comme impar­fait et peu fiable. Sans respect pour la capac­ité des femmes à don­ner la vie, la nais­sance est vue comme un acte qui a besoin d’être con­trôlé et géré de manière active. Le fait de penser que le planch­er pelvien n’est pas capa­ble d’élas­tic­ité pour per­me­t­tre au bébé de pass­er, sans que ce soit au détri­ment de la mère ou de l’en­fant, et que couper le périnée per­me­t­tra de remédi­er à cette sit­u­a­tion, en est une illus­tra­tion parfaite.

L’aug­men­ta­tion de l’usage de l’épi­siotomie est asso­cié à une aug­men­ta­tion de la présence des médecins lors de la nais­sance, au retrait de cer­taines com­pé­tences aux sages-femmes et à un glisse­ment de la nais­sance à la mai­son vers la nais­sance à l’hôpi­tal. La nais­sance a été retirée aux femmes sur deux plans, pas seule­ment enlevées aux femmes ayant des bébés, mais aus­si aux sages-femmes qui, à la fin de la journée, sont des femmes elles aus­si. Les obstétriciens ont aus­si été for­més comme chirurgien et ils ten­dent à agir comme tels. Tout est pour le mieux lorsqu’une femme a besoin de chirurgie, mais pour la plu­part des femmes, don­ner la vie doit être un ” heureux événe­ment “, phys­i­ologique et social. Pas un événe­ment médical.

Que peut-on faire en Suisse ?

Et chez nous, que peut-on faire pour réduire ce taux d’épi­siotomie si inac­cept­able­ment élevé ? Dans d’autres pays, les amélio­ra­tions dans le domaine des soins en mater­nité ont sou­vent été amenés par un mou­ve­ment de con­som­ma­tri­ces et par un ren­force­ment de la pro­fes­sion de sage-femme. L’An­gleterre, la Nou­velle Zélande et le Cana­da en sont de bons exemples.

Un ren­force­ment de la pro­fes­sion de sage-femme pour­rait avoir un effet posi­tif sur les taux d’épi­siotomie, car il existe de nom­breuses preuves que les sages-femmes ont des taux d’épi­siotomies plus faibles que les médecins (2) . On peut notam­ment le véri­fi­er par les taux d’épi­siotomie extrême­ment faibles des maisons de nais­sance en Suisse (voir arti­cle page précé­dente). De fait, les quelques maisons de nais­sance qui font appel à des médecins pour assis­ter aux nais­sances ont des taux d’épi­siotomie jusqu’à dix fois plus élevés que les maisons de nais­sance où aucun médecin n’est présent. En fait l’OMS sou­tient que les sages-femmes sont les pro­fes­sion­nelles de san­té les plus appro­priées pour des femmes ayant une grossesse, un accouche­ment et une péri­ode post-par­tum nor­maux (3) et exprime une cer­taine retenue quand les médecins sont impliqués dans les soins à des femmes ne présen­tant pas de com­pli­ca­tions. Une manière de réduire le nom­bre d’épi­siotomies effec­tuées serait de revoir la ten­dance des sages-femmes à appel­er le médecin lors de nais­sances nor­males. Comme Mars­den Wag­n­er l’écrit de manière si élo­quente: ” la sage-femme est une per­son­ne qui a des mains habiles et qui sait quand s’asseoir dessus. “. Il est du devoir des sages-femmes de met­tre à jour leurs con­nais­sances et de pra­ti­quer de manière réfléchie et cri­tique. Se tenir au courant des recherch­es actuelles est essen­tiel si les sages-femmes veu­lent être capa­bles de remet­tre en ques­tion des formes de soins qu’elles désapprouvent.

Un moyen de lutte majeur : les statistiques

Les sages-femmes doivent aus­si avoir une con­science poli­tique et sociale. Mal­heureuse­ment, les sages-femmes ne sont pas seule­ment for­mées dans les lim­ites du mod­èle bio-médi­cal décrit plus haut, mais elles vivent aus­si dans une société qui avalise ce mod­èle bio-médi­cal de la nais­sance. Si les sages-femmes n’en pren­nent pas con­science, elles peu­vent se trou­ver com­plice de la médi­cal­i­sa­tion de la nais­sance, même si c’est peut-être sans le vouloir.

Une com­posante cru­ciale des mou­ve­ments de con­som­ma­teurs, c’est l’idée que les gens sont capa­bles de faire des choix. Où et avec qui les femmes vont-elles accouch­er, voilà qui déter­mine le type de l’ex­péri­ence de la nais­sance qu’elles auront. Les femmes réalisent-elles qu’elles ont le choix ? Et si oui, ont-elles assez d’in­for­ma­tions pour faire ce choix ? Pour que les femmes puis­sent faire un choix infor­mé sur les formes de soins qu’elles reçoivent, elles doivent avoir accès à une infor­ma­tion basée sur les preuves et non biaisée et à des don­nées à jour sur l’en­droit où elles vont accouch­er ou sur la pra­tique de la per­son­ne avec laque­lle elles vont accouch­er. Pour que cela puisse être une réal­ité, il faut col­lecter des sta­tis­tiques de nais­sances qui doivent être con­sid­érées comme une pro­priété publique. Si les femmes savaient par exem­ple que l’hôpi­tal où elles envis­agent d’ac­couch­er a des taux d’épi­siotomie de près de 65%, elles pour­raient alors choisir d’ac­couch­er ailleurs ou met­tre la pres­sion sur cet hôpi­tal pour qu’il révise sa pra­tique. C’est ain­si que, dans les années 1970, la sec­onde vague de mou­ve­ment fémin­iste en Angleterre a engen­dré des man­i­fes­ta­tions devant les hôpi­taux qui avaient un taux élevé d’épisiotomie.

En tant que sages-femmes, nous avons le devoir de don­ner aux femmes l’in­for­ma­tion dont elles ont besoin pour leur per­me­t­tre de faire des choix au sujet des soins qu’elles veu­lent recevoir. Tant que la vision médi­cale de la nais­sance ne sera pas con­testée par celles et ceux qui tra­vail­lent en son sein et par celles qui la con­som­ment (c’est-à-dire les femmes elles-mêmes), peu de choses changeront.

Sue Brai­ley (tra­duc­tion F. Gog­ni­at Loos). D’o­rig­ine anglaise, Sue Brai­ley est diplômée de l’U­ni­ver­sité West­min­ster en sci­ences sociales. Elle s’est for­mée ensuite comme infir­mière, puis sage-femme. Après avoir exer­cé huit ans comme indépen­dante à Lon­dres, elle s’est instal­lée en Suisse, et col­la­bore à la mai­son de nais­sance Oberburg.

Bib­li­ogra­phie :

  1. Mars­den Wag­n­er. Pur­su­ing the Birth Machine. The Search for Appro­pri­ate Birth Tech­nol­o­gy. Ace Graph­ics 1994.
  2. Hue­ston WJ, Rudy M.: A com­par­i­son of labor and deliv­ery man­age­ment between nurse mid­wives and fam­i­ly physi­cians, J. of Fam­i­ly Prac­tice, vol 37, no 5, Novem­ber 1993, pp449-454.
  3. World Health Organ­i­sa­tion. Care in Nor­mal Labour. Depart­ment of Repro­duc­tive Health and Research. 1996.

Episiotomie de routine : une pratique sans fondements !

Bien que l’épi­siotomie soit l’un des actes chirur­gi­caux les plus répan­dus au monde, elle a été intro­duite sans preuves sci­en­tifiques solides con­cer­nant son effi­cac­ité. Aujour­d’hui, de plus en plus de voix s’élèvent pour affirmer qu’il faudrait en faire un usage beau­coup plus restric­tif. Petite revue de la lit­téra­ture récente.

Fabiène Gog­ni­at Loos

C’est sem­ble-t-il une sage-femme écos­saise qui décriv­it pour la pre­mière fois l’épi­siotomie, en 1742 déjà (1) . L’épi­siotomie n’a ensuite été large­ment util­isée que dès les années 1920. A cette époque, des obstétriciens améri­cains (2) ont décrété que la nais­sance était un proces­sus résol­u­ment pathologique et qu’une petite inci­sion du périnée accélèr­erait le tra­vail, réduirait les trau­ma­tismes et per­me­t­trait au périnée de retrou­ver une qua­si-vir­ginité après une suture adéquate. L’épi­siotomie devint donc une pra­tique stan­dard aux Etats-Unis et au Cana­da, à un degré un peu moin­dre en Europe. Le type de l’in­ci­sion varie. En Amérique du Nord, on priv­ilégie l’épi­siotomie médi­ane, tan­dis qu’en Europe le stan­dard est plutôt la procé­dure médi­o­latérale (sur le côté droit pour les droitières et gauche pour les gauchères). A ce stade, une ques­tion s’im­pose : y’a-t-il des preuves que l’épi­siotomie de rou­tine est utile ? Les par­ti­sans de l’épi­siotomie sys­té­ma­tique invo­quent générale­ment le fait que les épi­siotomies guéris­sent mieux que les déchirures, prévi­en­nent les déchirures du 3e degré et réduisent les risques de pro­lap­sus (descente d’or­ganes), d’in­con­ti­nence uri­naire ou anale et de dys­pare­unie. Ses détracteurs affir­ment qu’elle provoque un plus grand nom­bre de déchirures graves (trois fois plus) pou­vant men­er à une incon­ti­nence fécale, des fis­tules vagi­no-anales et de l’in­con­ti­nence uri­naire. Cepen­dant, sa pra­tique n’est pas remise en cause dans des cas spé­ci­fiques, quand le bébé est en dan­ger par exem­ple. Des sages-femmes (et quelques médecins) pré­conisent une bonne pré­pa­ra­tion du périnée pen­dant la grossesse par des exer­ci­ces et des mas­sages. Une chose est sûre, les arti­cles à ce sujet sont légion (3). Nous allons en par­courir quelques uns.

Revues sys­té­ma­tiques

La pre­mière revue sys­té­ma­tique de cette procé­dure a été pub­liée en 1984 (4). A cette époque, les preuves (3 études avec groupe de con­trôle mais sans tests ran­domisés con­trôlés) étaient trop minces pour éval­uer le bien­fait de la procé­dure. Les auteurs notaient que les béné­fices sup­posés de l’épi­siotomie (préven­tion des déchirures du troisième degré, dom­mage au planch­er pelvien et blessures fœtales) étaient plau­si­bles, mais pas prou­vés. Néan­moins, ils soulig­naient aus­si que les risques de l’épi­siotomie (exten­sion de l’in­ci­sion, perte de sang, douleur, infec­tion, etc) étaient sérieux.

Par la suite, en 1995, une revue sys­té­ma­tique de la lit­téra­ture mon­tra que l’épi­siotomie préve­nait des déchirures périnéales antérieures (blessure qui n’a pour con­séquence qu’une mor­bid­ité min­i­male), mais qu’elle ne con­férait aucun des autres béné­fices pour la mère ou l’en­fant qu’on lui accor­dait tra­di­tion­nelle­ment (5). L’au­teur ajoute que l’in­ci­sion aug­mente de manière sub­stantielle la perte de sang mater­nel, la pro­fondeur moyenne de dom­mage postérieur au périnée, le risque de dom­mage au sphinc­ter anal, le risque de guéri­son impro­pre de la plaie périnéale et le niveau de la douleur post-par­tum. Une étude du même type, plus récente encore, car datant de sep­tem­bre 2002 (6) parvient exacte­ment aux mêmes con­clu­sions : l’in­for­ma­tion disponible mon­tre que l’épi­siotomie de rou­tine doit être peu à peu abandonnée.

La revue sys­té­ma­tique de la Cochrane Col­lab­o­ra­tion date de mai 1999 (7). Elle inclut six études ran­domisées con­trôlées, pub­liées depuis 1983. Ces études com­par­ent l’u­til­i­sa­tion restric­tive de l’épi­siotomie avec une util­i­sa­tion de rou­tine. Les don­nées des six études ont été com­binées. Dans le groupe épi­siotomie de rou­tine, 72.7% des femmes (1752/2409) ont eu une épi­siotomie con­tre seule­ment 27.6% des femmes (673/2441) dans le groupe à l’épi­siotomie restric­tive. Si l’on com­pare les deux approches, l’u­til­i­sa­tion restric­tive de l’épi­siotomie a provo­qué sig­ni­fica­tive­ment moins de trau­ma­tismes au périnée postérieur, moins de sutures et moins de com­pli­ca­tions sur le plan de la guéri­son que les épi­siotomies de rou­tine. Par con­tre, l’u­til­i­sa­tion restric­tive de l’épi­siotomie était asso­ciée à plus de trau­ma­tisme au périnée antérieur. Il n’y avait pas de dif­férence dans l’in­ci­dence de trau­ma­tisme vagi­nal sévères, de dys­pare­unie, d’in­con­ti­nence uri­naire ou de douleurs sévères. Les réviseurs de la Cochrane en con­clu­ent que les poli­tiques d’u­til­i­sa­tion restric­tives ont un béné­fice clair, mais appel­lent de leur vœu de futures études pour répon­dre à des ques­tions telles que : quelles sont les indi­ca­tions pour l’u­til­i­sa­tion restric­tive de l’épi­siotomie lors d’une nais­sance assistée, d’une délivrance avant terme, d’une nais­sance en siège, dans des cas de macro­somie et quand une déchirure est sup­posée immi­nente ? Il fau­dra encore répon­dre à ces questions.

L’une des inter­ro­ga­tions les plus impor­tantes, mais aus­si l’une des plus dif­fi­cile à véri­fi­er par une étude ran­domisée con­trôlée est celle de la rela­tion (si elle existe) entre l’épi­siotomie et les désor­dres du planch­er pelvien plus tard dans la vie, surtout l’in­con­ti­nence uri­naire d’ef­fort et le relâche­ment du planch­er pelvien. Il y a aujour­d’hui un manque d’é­tudes à ce niveau-là aussi.

Une autre recherche néces­saire serait d’é­val­uer quelle tech­nique d’épi­siotomie est la meilleure : médi­ane ou médi­o­latérale ? Seules deux études ont été pub­liées à ce sujet, mais elles ont été exclues de la revue Cochrane car de qual­ité méthologique insuff­isante. Tout reste donc à faire.

Les plaies des déchirures guéris­sent mieux

Les par­ti­sans de l’épi­siotomie avan­cent entre autres comme argu­ment que celle-ci guérit mieux que les déchirures. Or les recherch­es nous prou­vent exacte­ment le con­traire. Une étude (8) parue en 1991 a com­paré la guéri­son du périnée à deux semaines post-par­tum chez 181 femmes ayant eu une épi­siotomie et 186 femmes ayant eu une déchirure naturelle. Dans le groupe épi­siotomie, 7,7% des femmes présen­taient une plaie qui guéris­sait mal con­tre 2.2% dans le groupe sans épi­siotomie. De plus, comme dans tout acte chirur­gi­cal, le risque d’in­fec­tion est impor­tant. Lors d’une étude clin­ique prospec­tive (9), un taux d’in­fec­tion et une péri­ode de guéri­son sig­ni­fica­tive­ment plus élevés ont été reportés dans le groupe ” épi­siotomie ” par rap­port au groupe ” déchirure périnéale “. En fait, une infec­tion résul­tant d’une épi­siotomie peut causer la mort de la mère, même si ces cas sont rares. Entre 1969 et 1976, des épi­siotomies infec­tées par la gan­grène ont été la cause de 27% (3/11) des morts mater­nelles dans le comté de Kent en Cal­i­fornie (10). Il ne faut pas min­imiser ce risque (11).

Quel est le taux idéal ?

En l’é­tat actuel des recherch­es, il est dif­fi­cile de fix­er le taux ” idéal ” d’épi­siotomie. L’OMS, dans les années 90, recom­mandait de ne pas dépass­er 10 à 20%. Les habi­tudes mon­di­ales vis à vis de l’épi­siotomie sont con­nues de façon approx­i­ma­tives en fonc­tion des dif­férentes pub­li­ca­tions. Don­nons quelques chiffres intéres­sants: en Suède, ce taux est d’en­v­i­ron 9% chez les prim­i­pares (12), au Québec (Cana­da), il est passé de 72,2% en 1982/83 à 31,8% en 1999/2000 (13). En Angleterre, le taux d’épi­siotomie, y com­pris les pré­maturés et les nais­sances instru­men­tées, est de 12,9%. La plu­part des hôpi­taux ont des taux situés entre 11 et 16% (14). En France, plus de 71% des prim­i­pares ont une épi­siotomie (chiffre de 1998). Mais ce taux tombe à 36% lors des accouche­ments suiv­ants. En Argen­tine, l’épi­siotomie est qua­si­ment sys­té­ma­tique chez la prim­i­pare (15). Par ailleurs, il appa­raît que les sages-femmes réalisent en général moins d’épi­siotomies que les médecins (16), et que les pays où les sages-femmes sont puis­santes ont des taux d’épi­siotomies plus bas que dans les autres pays où la pro­fes­sion médi­cale domine. En Suisse, les chiffres sont mal­heureuse­ment extrême­ment dif­fi­ciles à obtenir et la procé­dure relève plus du par­cours du com­bat­tant que d’une poli­tique ouverte d’in­for­ma­tion (voir arti­cle pages suivantes).

Une ten­dance qui n’est pas inéluctable !

Ici et là, des équipes obstétri­cales (médecins et/ou sages-femmes), con­scients du car­ac­tère sou­vent trop élevé de ces chiffres, pren­nent des ini­tia­tives et mon­trent qu’il est pos­si­ble de réduire de manière impor­tante le pour­cent­age des épi­siotomies sans pour autant observ­er une aug­men­ta­tion des déchirures périnéales graves.

Ain­si en France, le doc­teur Jacques Mouchel, est par­venu à faire baiss­er dras­tique­ment le taux d’épi­siotomie dans son ser­vice d’ob­stétrique au Mans (17). En trois ans, le taux d’épi­siotomie est passé de 30% à 5%. Par­al­lèle­ment, aucune déchirure du 3e ou du 4e degré n’a été con­statée. Sur l’ensem­ble des cas étudiés (610 accouche­ments naturels): 35% des femmes n’ont eu aucune suture périnéale et 60% des femmes qui n’ont pas eu d’épi­siotomie ont eu des déchirures postérieures sim­ples, du 1er ou 2e degré. Par con­tre, le Dr. Mouchel relève que le pour­cent­age d’ex­trac­tion instru­men­tale (ven­touse unique­ment) est passé de 25% à 45% dans le même temps.

En Irlande, en 1984, une sage-femme, Ceci­ly Beg­ley, a pris l’ini­tia­tive de faire une étude rétro­spec­tive dans sa mater­nité, qui a révélé un taux d’épi­siotomie de 54% chez les prim­i­pares ayant une nais­sance par voie basse (18). En y regar­dant de plus près, il s’est avéré qu’il y avait des dif­férences sig­ni­fica­tives selon les sages-femmes de garde, avec des taux d’épi­siotomie vari­ant entre les unes et les autres, de 6 à 84% ! Les résul­tats com­plets de l’é­tude, accom­pa­g­nés d’une revue de lit­téra­ture mon­trant que la seule indi­ca­tion pour l’épi­siotomie était la détresse fœtale ont été présen­té à l’équipe, sous forme ver­bale et écrite. De nom­breuses dis­cus­sions s’en sont suiv­ies et bien des sages-femmes ont demandé à voir leur pro­pre taux d’épi­siotomie (con­fi­den­tiel) pour pou­voir se situer par rap­port à leurs collègues.

Six mois plus tard, une étude de suivi a été lancée pen­dant un semes­tre. Le taux d’épi­siotomie avait passé de 54% à 34% chez les prim­i­pares, de 25% à 7% chez les II-pares et de 5 à 2% chez les femmes ayant mis au monde 2 enfants ou plus. Il n’y a pas eu d’aug­men­ta­tion des déchirures du deux­ième degré (défi­ni comme étant celles néces­si­tant une suture) chez les pri­mi- ou II-pare et il y a eu une baisse sig­ni­fica­tive de déchirures de ce type dans le groupe des femmes ayant eu 2 enfants ou plus (de 18% à 11%).

Le fait de com­par­er, preuve à l’ap­pui, les per­for­mances des dif­férentes sages-femmes, accom­pa­g­né d’ar­gu­ments basés sur la recherche pour motiv­er les change­ments, a eu un effet majeur sur la pra­tique des sages-femmes dans cet hôpital.

Pré­pa­ra­tion et préser­va­tion du périnée

Une étude québec­quoise (19) mon­tre l’im­por­tance d’un mas­sage du périnée pen­dant la grossesse pour éviter un trau­ma­tisme périnéal pen­dant la nais­sance. 1527 femmes ont été étudiées. Une dis­tinc­tion a été faite entre celles qui avaient déjà accouché par voie basse (1034) et les autres (493). Toutes les par­tic­i­pantes ont reçu des infor­ma­tions orales et écrites sur la préven­tion des trau­ma­tismes périnéaux. Les femmes du groupe expéri­men­tal ont de plus été priées de faire un mas­sage quo­ti­di­en de 10 min­utes de leur périnée dès la 34e ou 35e semaine de grossesse, et ceci jusqu’à la naissance.

Par­mi les par­tic­i­pantes n’ayant jamais accouché, 24,3% (100/411) du groupe mas­sage et 15,1% (63/417) du groupe de con­trôle ont accouché par voie basse avec un périnée intact, soit une dif­férence sig­ni­fica­tive de 9,3% entre les deux groupes (95% inter­valle de con­fi­ance 3.8%-14.6%). L’in­ci­dence de la nais­sance avec un périnée intact croît avec la com­pli­ance des femmes à mass­er régulière­ment leur périnée. Par­mi les femmes ayant déjà accouché par voie basse, la dif­férence (2,5%) n’é­tait pas aus­si impor­tante. Il n’y a pas eu de dif­férence entre les deux groupes en ce qui con­cerne la fréquence de suture de déchirures vul­vaires et vagi­nales, la sen­sa­tion de con­trôle de ces femmes ou leur sat­is­fac­tion avec l’ex­péri­ence de la nais­sance. Il sem­ble donc que le mas­sage du périnée est une bonne approche pour aug­menter les chances de nais­sance avec un périnée intact, mais unique­ment pour les primipares.

Les mêmes femmes ont par la suite été enrôlées par les mêmes auteurs dans une étude (20) por­tant sur les prob­lèmes liés au périnée trois mois après la nais­sance (douleurs, incon­ti­nences uri­naires, dys­pare­unie, etc.). Les résul­tats mon­trent qu’un mas­sage périnéal durant la grossesse n’a pas d’in­ci­dence sur les fonc­tions périnéales à 3 mois port-partum.

Pen­dant la naissance

Une autre pra­tique sans grand fonde­ment est celle qui con­siste à soutenir avec les doigts le périnée de la par­turi­ente pen­dant les con­trac­tions. Cette pra­tique est basée sur la croy­ance qu’ain­si, les tis­sus sont suff­isam­ment soutenus pour réduire le risque de déchirure spon­tanée. C’est une hypothèse raisonnable, surtout si elle est com­binée à une pres­sion déli­cate appliquée sur la tête du bébé pour con­trôler la vitesse d’ex­pul­sion, car c’est à ce moment que le tis­su périnéal risque le plus de se déchir­er spon­tané­ment. D’autres pensent qu’il faut mieux s’ab­stenir de touch­er au périnée pen­dant l’ac­couche­ment. Une étude (21) englobant plus de 5000 femmes a com­paré ces deux approches. Le prin­ci­pal résul­tat est qu’au dix­ième jour, la douleur périnéale ressen­tie par les femmes du groupe ” avec touch­er ” était légère­ment moin­dre que celles du groupe ” sans touch­er “. Mais les trau­ma­tismes périnéaux étaient com­pa­ra­bles dans les deux cas.

Aucune dif­férence ne sem­ble égale­ment exis­ter en cas de mas­sage du périnée pen­dant le deux­ième stade du tra­vail, mais une seule étude (22) existe à ce sujet, ce qui n’est évidem­ment pas suff­isant pour en tir­er des conclusions.

Con­clu­sion

Réduire le risque de dom­mage au périnée est essen­tiel car un incon­fort con­sé­cu­tif à une nais­sance peut domin­er toute l’ex­péri­ence des pre­miers moments de la mater­nité et occa­sion­ner un hand­i­cap sig­ni­fi­catif durant les mois, voire les années suiv­antes. Il est du devoir de tous les inter­venants en mater­nité de ne met­tre en œuvre que les actes néces­saires et dont l’ef­fi­cac­ité est prou­vée. Ce n’est pas le cas de l’épi­siotomie, que d’au­cunes con­sid­èrent même comme une muti­la­tion géni­tale, au même titre que celles que notre société con­damne quand elles se déroulent en Afrique. De quoi faire réfléchir.

Déf­i­ni­tion­Qu’est-ce qu’une épisiotomie ?

Si l’on demande à une sage-femme ou à un gyné­co­logue, il répon­dra qu’il s’ag­it d’a­grandir, au moyen d’une inci­sion, les dimen­sions de l’ori­fice vul­vaire au moment de l’ac­couche­ment, en coupant vers l’ar­rière, donc en s’éloignant du pubis. Pour­tant, si vous posez la même ques­tion à un spé­cial­iste de lin­guis­tique, peu féru de sci­ence obstétri­cale, nul doute qu’il vous répon­dra que ce terme vient du grec ancien, plus pré­cisé­ment de ” tomie ” (couper) et de ” epi­sion ” le pubis et qu’il s’ag­it donc de couper le pubis ! Voilà déjà un sujet de polémique ! Il serait plus juste de par­ler de périnéotomie !

HumeurEpi­siotomie ou clitorotomie ?

Le terme “cli­toro­to­my” a été sug­géré par la sage-femme Anne Frye — dans un livre extrême­ment bien con­stru­it, des­tiné aux sages-femmes en for­ma­tion (23) — pour rem­plac­er le terme neu­tre et inap­pro­prié d’épi­siotomie… En fait, elle fait référence à une réal­ité anatomique qui est le très vaste réseau nerveux du cli­toris, réal­ité com­plète­ment ignorée par les études anatomiques jusqu’à très récem­ment… Le fait est que toute épi­siotomie tranche des nerfs appar­tenant à la struc­ture cli­tori­di­enne et a néces­saire­ment un impact sur la sex­u­al­ité fémi­nine. Je n’ai jamais subi cette muti­la­tion (et c’est entre autre pour cela que ça me révolte par­ti­c­ulière­ment, d’être une des rares femmes qui ait pu sur­vivre intacte à ses enfan­te­ments…), mais je me suis déjà tranché acci­den­telle­ment des nerfs beau­coup moins sen­si­bles que ceux-là et je sais à quel point la sen­sa­tion ne revient JAMAIS comme ce qu’elle était avant, que ça fait un effet de “décharge élec­trique” pas des plus agréables quand on appuie sur la région ayant été sectionnée…

L’épi­siotomie EST une muti­la­tion géni­tale, et toute organ­i­sa­tion qui dit lut­ter con­tre de tels actes a le devoir de s’en préoc­cu­per. L’épi­siotomie n’a comme jus­ti­fi­ca­tion que son seul usage rit­uel et cul­turel (l’an­thro­po­logue Rob­bie Davis-Floyd l’a suff­isam­ment bien démon­tré d’ailleurs (24)) ; elle n’a aucune jus­ti­fi­ca­tion sci­en­tifique qui tienne, elle est le fruit de la croy­ance, stricte­ment et exclusivement.

Le jour où la muti­la­tion épi­siotomique sera INTERDITE, j’oserai croire à un réel change­ment des pra­tiques obstétri­cales et de la con­di­tion fémi­nine en général. Ce jour-là, il y aura respect de l’in­tégrité du corps des femmes (du moins pro­tégé par la loi ; cepen­dant, n’est-ce pas d’ores et déjà cen­sé être le cas ? Nous avons le devoir, l’oblig­a­tion de dénon­cer quiconque effectue une muti­la­tion géni­tale pour servir des croy­ances et des rites…), les autres pra­tiques rou­tinières et instru­men­tales seront effec­tuées avec plus de dis­cerne­ment, c’est-à-dire évitées le plus possible…

Pour moi, l’épi­siotomie est le sym­bole pre­mier de la misog­y­nie obstétri­cale et de tous ses infondés pseudo-scientifiques.

Donc, appelons-la par un nom qui puisse vrai­ment faire son effet et décrire juste­ment la réal­ité phys­i­ologique : l’épi­siotomie n’est autre qu’une clitorotomie.

Stéphanie St-Amant,

Doc­tor­ante en sémi­olo­gie, Uni­ver­sité du Québec à Mon­tréal; admin­is­tra­trice du Groupe M.A.M.A.N. : http://pages.infinit.net/matilda/maman/ [vérification/2012 http://pages.videotron.com/matilda]

Bib­li­ogra­phie :

  1. Ould F. : Trea­tise of mid­wifery. Dublin: Nel­son and Con­nor, 1742:145
  2. DeLee JB. :The pro­phy­lac­tic for­ceps oper­a­tion. Am J Obstet Gynecol 1920; 1: 34.
    Pomery RH. Shall we cut and recon­struct the per­ineum for every prim­i­para? Am J Obstet Dis Women Child 1918; 78: 211
  3. Pour s’en con­va­in­cre, il suf­fit de faire une recherche sur le thème “epi­sioto­my” sur le site med­line (qui recense tous les arti­cles sci­en­tifiques qui sor­tent :http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/), et voir appa­raître une liste de 1195 études !
  4. Thack­er SB, Ban­ta HD : Ben­e­fits and risks of epi­sioto­my: an inter­pre­ta­tive review of the Eng­lish lan­guage lit­er­a­ture, 1860–1980. Obstet Gynecol Surv 1983; 38:
  5. Woo­ley R :. Ben­e­fits and risks of epi­sioto­my: a review of the Eng­lish lan­guage lit­er­a­ture since 1980. Obstet Gynecol Surv 1995; 50: 806–835
  6. Wal­fisch A, Hal­lak M. : Episiotomy–a review of the lit­er­a­ture, Hare­fuah 2002 Sep;141(9):833–8, 856 (arti­cle en hébreu)
  7. Car­roli G, Belizan J.: Epi­sioto­my for vagi­nal birth, Cochrane Col­lab­o­ra­tion, ed. Cochrane Library. Issue 2. Oxford: Update Soft­ware, 2000
  8. McGui­ness M, Norr K, and Nacion K. Com­par­i­son between dif­fer­ent per­ineal out­come on tis­sue heal­ing. J Nurse Mid­wifery 1991; 36 (3): 192–198.
  9. Lars­son PG, Platz Chris­tensen JJ, Bergman B et al.: Advan­tage or dis­ad­van­tage of epi­sioto­my com­pared with spon­ta­neous per­ineal lac­er­a­tion, Gyne­co­log­ic and Obstet­ric Inves­ti­ga­tion vol 31, no 4, 1991, pp 213–216.
  10. Hen­ci Goer : Obstet­ric Myths ver­sus Research Real­i­ties, 1995.
  11. Voir à ce sujet et pour d’autres expli­ca­tions, l’ex­cel­lent arti­cle de Sue Brai­ley, pub­lié dans la par­tie ger­manophone de ce numéro.
  12. Stephen B Thack­er : Mid­line ver­sus medi­o­lat­er­al epi­sioto­my, Edi­to­r­i­al, BMJ 2000;320 1615–1616.
  13. San­té et Ser­vices soci­aux Québec. Évo­lu­tion de quelques inter­ven­tions obstétri­cales lors des accouche­ments vagin­aux, Québec 1982–1983 à 1999 :2000 http://www.msss.gouv.qc.ca/f/statistiques/index.htm[lien non accessible/2012 voir http://www.msss.gouv.qc.ca/]
  14. voir les chiffres 2002 sur www.drfoster.co.uk
  15. Lede RL, Belizan JM, Car­roli G. Is rou­tine use of epi­sioto­my jus­ti­fied ? Am J Obstet Gynecol, 1996 ; 174 :1399–1402.
  16. Ibi­dem + Wilcox LS, Strobi­no DM, Baruf­fi G et al, Epi­sioto­my and its role in the inci­dence of per­ineal lac­er­a­tions in a mater­ni­ty cen­ter and a ter­tiary hos­pi­tal obstet­ric ser­vice. Am J Obstet Gynecol„ vol 160, no 5, 1989, 1047–1052.
  17. Mouchel, J : Con­séquences poten­tielles de la grossesse et de l’ac­couche­ment sur la sta­tique pelvi­enne, Sta­tique pelvi­enne et accouche­ment — respon­s­abil­ité médi­co-légale, actes du col­loque du 8 juin 1999 à Besançon, 17–28
  18. Beg­ley C. M. : Epi­sioto­my — a change in mid­wives’ prac­tice. Irish Nurs­ing Forum and Health Ser­vices Jour­nal, Nov/Dec 12–14, 1987, 34.
  19. Labrecque M., Eason E., Mar­coux S. et al : Ran­dom­ized con­trolled tri­al of pre­ven­tion of per­ineal trau­ma byper­ineal mas­sage dur­ing preg­nan­cy, Am. J. Obstet Gynecol., March 1999, 180 ;593–600
  20. Labrecque M., Eason E., Mar­coux S. et al : Ran­dom­ized tri­al of per­ineal mas­sage dur­ing preg­nan­cy : per­ineal symp­toms three months after deliv­ery, Am. J. Obstet Gynecol., 2000, 182 ;76–80.
  21. Voir à ce sujet : Enkin M. et alii : A Guide to effec­tive care in preg­nan­cy and child­birth, Oxford Uni­ver­si­ty Press, 2000
  22. McCan­lish R., Bowler U. et alii : A ran­domised con­trolled tri­al of care of the per­ineum dur­ing sec­ond stage of nor­mal labour, Br. J. Obstet. Gynaecol., 1998, 105, 1262–72.

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