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Autour du dossier pub­lié par Nathalie Chahine dans PARENTS, juil­let 2004, p. 100–102, avec Françoise Bardes, du réseau Sages-femmes Île-de-France et le Pr Bernard-Jean Paniel, chef du ser­vice de gyné­colo­gie obstétrique de l’hôpi­tal inter­com­mu­nal de Créteil.

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Texte de l’article

Trois femmes sur qua­tre en ont une à la nais­sance de leur pre­mier enfant: geste courant donc, l’épi­siotomie est aus­si une inci­sion chirur­gi­cale qui peut laiss­er des traces. Répons­es à quelques ques­tions que l’on n’ose pas for­cé­ment pos­er à son gynécologue!

Où se situe exactement l’incision?

La plu­part du temps, la sage-femme ou le gyné­co­logue obstétricien incise le périnée depuis le bord inférieur de la vul­ve, en diag­o­nale, vers la droite. Réal­isée avec des ciseaux chirur­gi­caux, l’in­ci­sion atteint la peau, le mus­cle et la muqueuse, sur une longueur allant de 3 à 5–6 cen­timètres. Ce geste inter­vient le plus sou­vent lorsque la nais­sance est imminente.

Dans quels cas le médecin ou la sage-femme décident-ils de la pratiquer?

Le prin­ci­pal avan­tage de l’épi­siotomie est d’éviter les déchirures des mus­cles périnéaux situés entre la vul­ve et l’anus, voire ceux du sphinc­ter anal : ces dernières peu­vent entraîn­er des incon­ti­nences dif­fi­ciles à traiter. Elle est donc pra­tiquée générale­ment juste avant l’ex­pul­sion, quand on craint une déchirure, c’est-à-dire lorsque le bébé est un peu gros et que le périnée est très tonique ou par­ti­c­ulière­ment frag­ile et qua­si “fri­able”. De nom­breux prati­ciens l’en­vis­agent aus­si quand le foe­tus naît pré­maturé ou que son rythme car­diaque ralen­tit et que l’on estime plus pru­dent d’ac­célér­er la nais­sance. Cer­tains de ces sig­naux sont pour­tant sou­vent mis en doute par la recherche médi­cale. L’ex­péri­ence du médecin accoucheur, sa réac­tion au stress influ­ent aus­si sur la déci­sion : cer­tains y ont très rarement recours, d’autres plus fréquem­ment. Pour­tant, cette inci­sion chirur­gi­cale n’est pas sans incon­vénient. Plus grande qu’une déchirure spon­tanée, elle néces­site tou­jours une suture, entraîne des saigne­ments beau­coup plus impor­tants, et cica­trise moins bien.

Est-il vrai que certaines maternités y ont recours systématiquement?

En France, on pra­tique en moyenne 60% d’épi­siotomies. Avec des dis­par­ités selon les étab­lisse­ments, allant de 40 à 90% !

Ce geste étant beau­coup plus fréquent en France que dans d’autres pays d’Eu­rope :il est de 13% en Grande-Bre­tagne et de 6% en Suède. L’Or­gan­i­sa­tion Mon­di­ale de la San­té (OMS) con­sid­ère d’ailleurs que ce taux ne devrait pas dépass­er 20%. Vous pou­vez vous ren­seign­er auprès de la mater­nité dans laque­lle vous envis­agez d’ac­couch­er pour con­naître le taux d’épi­siotomies qu’elle pra­tique, mais l’in­for­ma­tion est générale­ment assez dif­fi­cile à obtenir

En a‑t-on toujours une pour le premier enfant?

En France 71% des femmes ont une épi­siotomie a la nais­sance de leur pre­mier enfant. La prin­ci­pale rai­son invo­quée est la tonic­ité du périnée, plus impor­tante que pour les accouche­ments ultérieurs. Ce taux chute à 36% dès le deux­ième enfant.

Comment se passe la cicatrisation?

Après la pose des fils, il faut compter cinq à six jours au cours desquels la cica­trice est le plus sou­vent douloureuse. Les fils peu­vent aus­si “tir­er ce qui aug­mente la sen­sa­tion d’in­con­fort. Il arrive assez fréquem­ment qu’un fil lâche et s’élim­ine tout seul, ce qui n’empêche pas la cica­tri­sa­tion de se pour­suiv­re nor­male­ment. Par­fois, tous les fils cèdent, entraî­nant dans cer­tains cas une réou­ver­ture de la cica­trice : une infec­tion peut alors sur­venir, qu’il faut traiter avant de recoudre à nou­veau. Les fils sont retirés cinq à sept jours après l’ac­couche­ment. Cer­taines femmes trou­vent ce moment douloureux, d’autres non. La cica­trice devient ensuite moins sen­si­ble au fil du temps, dans un délai qui varie générale­ment de 1 à 4 mois.

Peut-on refuser d’en subir une?

En principe, oui. Mais pour que votre souhait soit respec­té, il est préférable de pré­par­er le ter­rain en l’ex­p­ri­mant à plusieurs repris­es au cours des con­sul­ta­tions pré­na­tales, et en veil­lant à ce que votre demande fig­ure dans votre dossier. Sachez néan­moins que ce geste peut être jugé néces­saire, le moment venu, par l’équipe médi­cale qui va vous accoucher.

Est-elle systématique en cas de forceps?

Qua­si­ment. Pour faciliter les manoeu­vres néces­saires à la pose de for­ceps ou de ven­touse, un grand nom­bre de prati­ciens préfèrent élargir l’ou­ver­ture périnéale. Néan­moins, cer­tains obstétriciens posent des for­ceps sans faire d’épisiotomie.

Est-ce douloureux?

L’in­ci­sion est presque indo­lore car elle est, en principe, pra­tiquée au cours d’une con­trac­tion qui insen­si­bilise la zone de la vul­ve, et au moment où la tête du bébé appuie sur le plexus nerveux, situé entre la par­tie moyenne et la par­tie basse du bassin. La péridu­rale peut aus­si dimin­uer la sen­sa­tion de douleur. Le moment où la sage-femme ou le médecin recousent l’in­ci­sion peut, en revanche, se révéler un peu douloureux, la peau et la muqueuse étant net­te­ment plus sen­si­bles que les mus­cles, qui sont recousus en deux, voire trois plans. Une anesthésie locale à la xylo­caïne peut s’avér­er néces­saire. C’est surtout dans les jours qui suiv­ent l’in­ci­sion, par­fois durant plusieurs semaines, que l’épi­siotomie est la plus sensible.

Est-il possible de faciliter ou d’accélérer la cicatrisation?

Aucune mesure d’hy­giène spé­ci­fique n’est pré­con­isée après une épi­siotomie. Vous pou­vez faire votre toi­lette en util­isant votre savon habituel (pas de gant de toi­lette, dont les bouclettes ris­queraient d’ac­crocher les fils). Séchez la région vul­vaire en tam­pon­nant avec une com­presse gaze stérile (durant les pre­miers jours, évitez d’u­tilis­er des servi­ettes, qui peu­vent con­tenir des microbes). Con­traire­ment aux idées reçues, l’usage du séchoir est à pro­scrire il pro­jette en effet de l’air ambiant chauf­fé, ce qui poten­tialise le risque de trans­mis­sion des microbes. Chercher à main­tenir la zone cica­tricielle sèche est illu­soire, les lochies (pertes de sang) con­séc­u­tives à l’ac­couche­ment ayant pour effet d’humecter la vul­ve en per­ma­nence. Pour amélior­er votre con­fort en posi­tion assise, optez pour une bouée en plas­tique (la région de la cica­trice étant placée au cen­tre). Ou bien asseyez-vous sur une grosse servi­ette de toi­lette que vous aurez roulée en forme de fer à cheval.

Que faire si les rapports sexuels sont douloureux ensuite?

Le cas est fréquent: 91% des femmes ont des rap­ports douloureux un mois après l’ac­couche­ment, ce chiffre tombant à 59% deux mois après et à 33% trois mois plus tard*. Ces douleurs peu­vent être perçues comme une dis­ten­sion lors des rap­ports sex­uels, quand la suture a légère­ment rétré­ci l’ori­fice vagi­nal. Cette sen­si­bil­ité s’at­ténue tou­jours au fil du temps, à mesure que la cica­trice s’as­sou­plit. Il y a aus­si par­fois des sen­sa­tions de brûlure au moin­dre con­tact. L’épi­siotomie n’en est pas tou­jours la cause mais, en mod­i­fi­ant l’im­age que la femme a de cette par­tie de son corps, elle accentue sou­vent un prob­lème antérieur. Le vécu d’un accouche­ment douloureux peut aus­si en être respon­s­able. Dans ce cas, le fait d’en par­ler a un gyné­co­logue aver­ti, capa­ble d’of­frir une écoute com­préhen­sive, peut apporter une amélio­ra­tion. Une pom­made anesthésique puis cica­trisante peut aus­si être pre­scrite. Enfin, cer­taines femmes souf­frent de con­trac­tures réflex­es qui empêchent les rap­ports : des séances de kinésithérapie basées sur la relax­ation et le biofeed­back, asso­ciées à un traite­ment anx­i­oly­tique sur une courte durée, améliorent sou­vent la situation.

* Source : Alliance Fran­coph­o­ne pour l’Ac­couche­ment Respec­té (AFAR). afar.info

Peut-on ensuite aller aux toilettes normalement?

Bien sûr. L’urine étant un liq­uide stérile, elle ne risque en aucun cas d’in­fecter votre cica­trice. Vous pou­vez aus­si aller à la selle, les poussées que vous exercez ne risquent pas de faire céder la cica­trice (pour éviter la con­sti­pa­tion, fréquente après l’ac­couche­ment, pensez à boire suff­isam­ment d’eau au cours de la journée). Après chaque selle, essuyez-vous de l’a­vant vers l’ar­rière pour éviter de con­t­a­min­er le vagin avec des ger­mes fécaux. A la place du papi­er toi­lette, qui risque d’ac­crocher les fils de la suture ou de “pelucher”, mieux vaut utilis­er une com­presse tex­tile sèche (de la gaze) que vous jet­terez ensuite.

Réparer, c’est toujours possible

Cer­tains prob­lèmes de cica­tri­sa­tion sont respon­s­ables de trou­bles durables et pour lesquels des solu­tions chirur­gi­cales sont pos­si­bles. Ain­si, si la cica­trice a “lâché”, il est pos­si­ble de recoudre les plans mus­cu­laires. Cette inter­ven­tion est pra­tiquée quand les séances de réé­d­u­ca­tion mus­cu­laire n’ont pas don­né de résul­tats suff­isants, mais aus­si quand la femme n’en­vis­age pas d’avoir un autre enfant dans un avenir proche dans cette zone sen­si­ble, mieux vaut, en effet, éviter de mul­ti­pli­er les cica­tri­ces. Il arrive aus­si qu’un côté de la cica­trice se rétracte plus que l’autre, ce qui entraîne un décalage sur toute sa longueur on peut alors refaire l’épi­siotomie en ten­ant compte de cette asymétrie de rétrac­tion phys­i­ologique. L’in­ter­ven­tion, effec­tuée après les règles, per­met une cica­tri­sa­tion dans un milieu moins humide et donc plus prop­ice qu’après l’accouchement.

(Fin de l’article)


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