Autour du dossier publié par Nathalie Chahine dans PARENTS, juillet 2004, p. 100–102, avec Françoise Bardes, du réseau Sages-femmes Île-de-France et le Pr Bernard-Jean Paniel, chef du service de gynécologie obstétrique de l’hôpital intercommunal de Créteil.
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- Texte intégral de l’article (voir plus bas)
- Réponses à cet article :
- Jean-Claude Verduyckt, 9/6/04 (ce lien ouvre une nouvelle fenêtre sur liste yahoo Re-Co-Naissance)
- Lettre au Pr Bernard-Jean Paniel (9/06/04, format PDF)
- Blandine Poitel, 10/6/04 span style=“color: #c0c0c0;”>(ce lien ouvre une nouvelle fenêtre sur liste yahoo Re-Co-Naissance)
- Cécile Loup, 10/6/04 (ce lien ouvre une nouvelle fenêtre sur liste yahoo Re-Co-Naissance)
- Florence Marion, 11/6/04, voir aussi 10/6/04 (ces liens ouvrent une nouvelle fenêtre sur liste yahoo Re-Co-Naissance)
- Lettre de l’AFAR à Nathalie Chahine, 8–7‑04(8/07/04, format PDF)
- Lettre de Françoise Bardes à la rédaction de Parents (14/06/04, format PDF)
- Droit de réponse de Françoise Bardes, 14–6‑04 (14/06/04, format PDF)
- La « réponse » du journal (octobre 2004, page 183, rubrique « Vos réactions ») :
Texte de l’article
Trois femmes sur quatre en ont une à la naissance de leur premier enfant: geste courant donc, l’épisiotomie est aussi une incision chirurgicale qui peut laisser des traces. Réponses à quelques questions que l’on n’ose pas forcément poser à son gynécologue! |
Où se situe exactement l’incision?
La plupart du temps, la sage-femme ou le gynécologue obstétricien incise le périnée depuis le bord inférieur de la vulve, en diagonale, vers la droite. Réalisée avec des ciseaux chirurgicaux, l’incision atteint la peau, le muscle et la muqueuse, sur une longueur allant de 3 à 5–6 centimètres. Ce geste intervient le plus souvent lorsque la naissance est imminente.
Dans quels cas le médecin ou la sage-femme décident-ils de la pratiquer?
Le principal avantage de l’épisiotomie est d’éviter les déchirures des muscles périnéaux situés entre la vulve et l’anus, voire ceux du sphincter anal : ces dernières peuvent entraîner des incontinences difficiles à traiter. Elle est donc pratiquée généralement juste avant l’expulsion, quand on craint une déchirure, c’est-à-dire lorsque le bébé est un peu gros et que le périnée est très tonique ou particulièrement fragile et quasi “friable”. De nombreux praticiens l’envisagent aussi quand le foetus naît prématuré ou que son rythme cardiaque ralentit et que l’on estime plus prudent d’accélérer la naissance. Certains de ces signaux sont pourtant souvent mis en doute par la recherche médicale. L’expérience du médecin accoucheur, sa réaction au stress influent aussi sur la décision : certains y ont très rarement recours, d’autres plus fréquemment. Pourtant, cette incision chirurgicale n’est pas sans inconvénient. Plus grande qu’une déchirure spontanée, elle nécessite toujours une suture, entraîne des saignements beaucoup plus importants, et cicatrise moins bien.
Est-il vrai que certaines maternités y ont recours systématiquement?
En France, on pratique en moyenne 60% d’épisiotomies. Avec des disparités selon les établissements, allant de 40 à 90% !
Ce geste étant beaucoup plus fréquent en France que dans d’autres pays d’Europe :il est de 13% en Grande-Bretagne et de 6% en Suède. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère d’ailleurs que ce taux ne devrait pas dépasser 20%. Vous pouvez vous renseigner auprès de la maternité dans laquelle vous envisagez d’accoucher pour connaître le taux d’épisiotomies qu’elle pratique, mais l’information est généralement assez difficile à obtenir
En a‑t-on toujours une pour le premier enfant?
En France 71% des femmes ont une épisiotomie a la naissance de leur premier enfant. La principale raison invoquée est la tonicité du périnée, plus importante que pour les accouchements ultérieurs. Ce taux chute à 36% dès le deuxième enfant.
Comment se passe la cicatrisation?
Après la pose des fils, il faut compter cinq à six jours au cours desquels la cicatrice est le plus souvent douloureuse. Les fils peuvent aussi “tirer ce qui augmente la sensation d’inconfort. Il arrive assez fréquemment qu’un fil lâche et s’élimine tout seul, ce qui n’empêche pas la cicatrisation de se poursuivre normalement. Parfois, tous les fils cèdent, entraînant dans certains cas une réouverture de la cicatrice : une infection peut alors survenir, qu’il faut traiter avant de recoudre à nouveau. Les fils sont retirés cinq à sept jours après l’accouchement. Certaines femmes trouvent ce moment douloureux, d’autres non. La cicatrice devient ensuite moins sensible au fil du temps, dans un délai qui varie généralement de 1 à 4 mois.
Peut-on refuser d’en subir une?
En principe, oui. Mais pour que votre souhait soit respecté, il est préférable de préparer le terrain en l’exprimant à plusieurs reprises au cours des consultations prénatales, et en veillant à ce que votre demande figure dans votre dossier. Sachez néanmoins que ce geste peut être jugé nécessaire, le moment venu, par l’équipe médicale qui va vous accoucher.
Est-elle systématique en cas de forceps?
Quasiment. Pour faciliter les manoeuvres nécessaires à la pose de forceps ou de ventouse, un grand nombre de praticiens préfèrent élargir l’ouverture périnéale. Néanmoins, certains obstétriciens posent des forceps sans faire d’épisiotomie.
Est-ce douloureux?
L’incision est presque indolore car elle est, en principe, pratiquée au cours d’une contraction qui insensibilise la zone de la vulve, et au moment où la tête du bébé appuie sur le plexus nerveux, situé entre la partie moyenne et la partie basse du bassin. La péridurale peut aussi diminuer la sensation de douleur. Le moment où la sage-femme ou le médecin recousent l’incision peut, en revanche, se révéler un peu douloureux, la peau et la muqueuse étant nettement plus sensibles que les muscles, qui sont recousus en deux, voire trois plans. Une anesthésie locale à la xylocaïne peut s’avérer nécessaire. C’est surtout dans les jours qui suivent l’incision, parfois durant plusieurs semaines, que l’épisiotomie est la plus sensible.
Est-il possible de faciliter ou d’accélérer la cicatrisation?
Aucune mesure d’hygiène spécifique n’est préconisée après une épisiotomie. Vous pouvez faire votre toilette en utilisant votre savon habituel (pas de gant de toilette, dont les bouclettes risqueraient d’accrocher les fils). Séchez la région vulvaire en tamponnant avec une compresse gaze stérile (durant les premiers jours, évitez d’utiliser des serviettes, qui peuvent contenir des microbes). Contrairement aux idées reçues, l’usage du séchoir est à proscrire il projette en effet de l’air ambiant chauffé, ce qui potentialise le risque de transmission des microbes. Chercher à maintenir la zone cicatricielle sèche est illusoire, les lochies (pertes de sang) consécutives à l’accouchement ayant pour effet d’humecter la vulve en permanence. Pour améliorer votre confort en position assise, optez pour une bouée en plastique (la région de la cicatrice étant placée au centre). Ou bien asseyez-vous sur une grosse serviette de toilette que vous aurez roulée en forme de fer à cheval.
Que faire si les rapports sexuels sont douloureux ensuite?
Le cas est fréquent: 91% des femmes ont des rapports douloureux un mois après l’accouchement, ce chiffre tombant à 59% deux mois après et à 33% trois mois plus tard*. Ces douleurs peuvent être perçues comme une distension lors des rapports sexuels, quand la suture a légèrement rétréci l’orifice vaginal. Cette sensibilité s’atténue toujours au fil du temps, à mesure que la cicatrice s’assouplit. Il y a aussi parfois des sensations de brûlure au moindre contact. L’épisiotomie n’en est pas toujours la cause mais, en modifiant l’image que la femme a de cette partie de son corps, elle accentue souvent un problème antérieur. Le vécu d’un accouchement douloureux peut aussi en être responsable. Dans ce cas, le fait d’en parler a un gynécologue averti, capable d’offrir une écoute compréhensive, peut apporter une amélioration. Une pommade anesthésique puis cicatrisante peut aussi être prescrite. Enfin, certaines femmes souffrent de contractures réflexes qui empêchent les rapports : des séances de kinésithérapie basées sur la relaxation et le biofeedback, associées à un traitement anxiolytique sur une courte durée, améliorent souvent la situation.
* Source : Alliance Francophone pour l’Accouchement Respecté (AFAR). afar.info
Peut-on ensuite aller aux toilettes normalement?
Bien sûr. L’urine étant un liquide stérile, elle ne risque en aucun cas d’infecter votre cicatrice. Vous pouvez aussi aller à la selle, les poussées que vous exercez ne risquent pas de faire céder la cicatrice (pour éviter la constipation, fréquente après l’accouchement, pensez à boire suffisamment d’eau au cours de la journée). Après chaque selle, essuyez-vous de l’avant vers l’arrière pour éviter de contaminer le vagin avec des germes fécaux. A la place du papier toilette, qui risque d’accrocher les fils de la suture ou de “pelucher”, mieux vaut utiliser une compresse textile sèche (de la gaze) que vous jetterez ensuite.
Réparer, c’est toujours possible
Certains problèmes de cicatrisation sont responsables de troubles durables et pour lesquels des solutions chirurgicales sont possibles. Ainsi, si la cicatrice a “lâché”, il est possible de recoudre les plans musculaires. Cette intervention est pratiquée quand les séances de rééducation musculaire n’ont pas donné de résultats suffisants, mais aussi quand la femme n’envisage pas d’avoir un autre enfant dans un avenir proche dans cette zone sensible, mieux vaut, en effet, éviter de multiplier les cicatrices. Il arrive aussi qu’un côté de la cicatrice se rétracte plus que l’autre, ce qui entraîne un décalage sur toute sa longueur on peut alors refaire l’épisiotomie en tenant compte de cette asymétrie de rétraction physiologique. L’intervention, effectuée après les règles, permet une cicatrisation dans un milieu moins humide et donc plus propice qu’après l’accouchement.
(Fin de l’article)
Consulter aussi…
[Liens mis en jour en 2011 et 2017]
- Les taux d’épisiotomie dans le monde
- Base de données d’articles scientifiques
- Compilation brève de résumés d’articles (2 pages, PDF)
- Compilation détaillée sur l’épisiotomie (75 pages, PDF)
- Index de la compilation [Excel + Zip]
- L’épisiotomie ne prévient pas les déchirures sévères du périnée — réponse à un article dans Le Généraliste (C. Loup, B. Bel, A‑M. Bosems, B. Poitel, B. Strandman)
- L’épisiotomie est-elle une mutilation génitale ? (Stéphanie St-Amant)
- Chapitre 14, L’épisiotomie. In Obstetrical Myths Versus Research Realities. A Guide to the Medical Literature (Les mythes obstétricaux à l’épreuve de la réalité scientifique). (Henci Goer)
- L’épisiotomie au Royaume-Uni (Beverley Beech, intervention à la 2e Journée Petite Enfance, Paris, 16 mai 2004) en français et en anglais
- Episiotomie : témoigner, informer, dénoncer, agir… (sur ce blog). Voir aussi le poster au format PDF